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reconnaissait d’autre chef à la République que ceux qu’elle s’était donnés par élection, refusa constamment d’accomplir cet acte d’inféodation à un pouvoir qu’il regardait comme usurpé. Vainement ses amis l’en pressèrent-ils, vainement Laurent lui fit-il savoir qu’il le recevrait avec plaisir. Savonarole répondit constamment qu’il était prieur de Dieu et non de Laurent ; celui-ci n’avait donc rien de plus à attendre de lui que les derniers citoyens.

Cette réponse, comme on le comprend, blessa fort l’orgueilleux Médicis ; c’était la seule opposition qu’il eût rencontrée à Florence depuis la conspiration des Pazzi. Aussi les prédications exaltées de Savonarole ayant produit quelques troubles, Laurent profita-t-il de cette occasion pour faire dire au moine rebelle, par cinq des premiers de la ville, qu’il eût à interrompre son prêche, ou tout au moins à modérer sa fougue. Savonarole répondit à ceci par un discours qu’il termina en annonçant au peuple la mort prochaine de Laurent de Médicis.

Cette prédiction se réalisa dix-huit mois après, c’est-à-dire le 9 avril 1492.

Alors, il arriva que, sur son lit de mort, Laurent le Magnifique se souvint du pauvre prieur de Saint-Marc, et le reconnaissant pour un inspiré, puisqu’il avait si bien prophétisé les choses qui arrivaient, ne voulut recevoir l’absolution que de lui. Il l’envoya donc chercher, et cette fois Savonarole, fidèle à sa promesse, accourut à son lit de mort, agissant en cela comme il l’aurait fait pour le dernier des citoyens.

Laurent le Magnifique se confessa. Il avait sur la conscience force crimes inconnus et cachés ; de ces crimes comme en commettent les puissans, qui veulent à tout prix garder leur puissance. Mais, si grands que fussent ses crimes, Savonarole lui promit le pardon de Dieu à trois conditions. Le moribond, qui ne croyait pas en être quitte à si bon marché, lui demanda quelles étaient ces trois conditions.

— La première, dit le moine, c’est que vous ayez une foi vive et inaltérable en Dieu.

— Je l’ai, répondit vivement Laurent.