Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nocent VIII régnait alors, et ses seize enfans lui avaient valu le surnom de Père de son peuple ; aussi Savonarole prit-il pour texte de ses discours trois propositions.

La première, que l’Église devait être renouvelée ;

La seconde, que l’Italie serait battue de verges ;

Et la troisième, que ces événemens s’accompliraient avant la mort de celui qui les annonçait. Cette mort devait arriver avant la fin du siècle ; or, comme on était à l’année 1490, toutes ces prophéties devaient faire d’autant plus d’effet qu’elles annonçaient des choses prochaines, et que Savonarole, comme cet homme qui faisait le tour des murs de Jérusalem, après avoir commencé par crier malheur aux autres, finissait par crier malheur sur lui-même.

Luther accomplit la première des prédictions de Savonarole.

Alexandre de Médicis la seconde.

Et Roderic Borgia la troisième.

Les prédications de Savonarole produisirent un tel effet et attirèrent un tel concours d’auditeurs, que quoiqu’on lui eût accordé le Dôme comme la plus grande des églises de Florence, le Dôme se trouva bientôt trop étroit pour la foule qui venait se nourrir de sa parole. On fut donc obligé de séparer des hommes, les femmes et les enfans, et de leur réserver des jours particuliers. En outre, chaque fois que Savonarole se rendait de son couvent au Dôme et retournait du Dôme à son couvent, on était obligé de lui donner une garde. Les rues dans lesquelles il devait passer étaient pleines d’hommes du peuple qui, le regardant comme un saint, voulaient baiser le bas de sa robe.

Cette popularité lui valut d’être nommé, en 1490, prieur du couvent de Saint-Marc, et à l’occasion de cette nomination, il donna une nouvelle preuve de son caractère inflexible. Il était d’habitude, et les prédécesseurs de Savonarole avaient presque fait de cette concession une règle, que ceux qui étaient promus au rang de prieurs dans les ordres réguliers allassent présenter leurs hommages à Laurent de Médicis, comme au chef suprême de la République, et le priassent de leur accorder sa protection. Savonarole, qui ne