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LA PLACE DU GRAND-DUC.

En sortant du Palais-Vieux, on a devant soi, et tournant le dos, le Cacus de Baccio Bandinelli, et le David de Michel-Ange, gigantesques sentinelles de ce gigantesque palais ; à gauche, au second plan, la loge des Lanzi ; en face de soi, au troisième plan, le toit des Pisans ; enfin, à droite, le fameux Marsocco, qui partagea avec Jésus-Christ l’honneur d’être gonfalonier de Florence, enfin la fontaine de l’Ammanato, et la statue équestre de Cosme 1er, par Jean de Bologne.

Baccio Bandinelli est l’exagérateur de Michel-Ange, dont le talent lui-même ne se sauve de l’exagération que par le sublime. Ce fut celui qui fit du Laocoon antique une copie qu’il trouvait si belle, qu’il la préférait à l’original. On raconta cette prétention à Michel-Ange, qui se contenta de répondre : — Il est difficile de dépasser un homme, lorsqu’on le suit par derrière.

Les artistes admirent fort l’attache du cou de Cacus. Barcio Bandinelli croyait sans doute aussi que c’était ce qu’il y avait de mieux dans son groupe, car à peine cette partie fut-elle exécutée qu’il la fit mouler et l’envoya à Rome. Michel-Ange vit cette copie, et se contenta de dire : — C’est beau, mais il faut attendre le reste. En effet, le reste, c’est-à-dire le torse du Cacus, fut comparé très exactement a un sac bourré de pommes de pins.

Michel-Ange n’était point le seul avec lequel Baccio Bandinelli fût en opposition d’art et en querelle de mots. Benvenuto Cellini, qui avait le poignard aussi léger que le ciseau, lui avait voué une haine égale à l’admiration qu’il portait à Michel-Ange. Un jour, les deux artistes se trouvaient ensemble devant Cosme 1er ; leurs disputes éternelles recommencèrent malgré la présence du grand-duc, et s’é-