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crains d’être empoisonné, et dans cette crainte, tu te laisses mourir de faim. C’est me faire peu d’honneur que de croire que je veuille prêter les mains à une pareille infamie. Je ne pense pas que ta vie soit sérieusement menacée, car, crois-moi, tu as force amis dans ce palais et au dehors ; mais, quand tu aurais à la perdre, demeure tranquille à mon égard, car, je te le jure, il te faudra, pour te l’ôter, un autre ministère que le mien. Je ne rougirai jamais mes mains du sang de personne, et encore moins du tien : jamais tu ne m’as fait aucune offense. Rassure-toi donc ; mange, et garde-toi vivant pour les amis et pour la patrie. Au reste, pour te rassurer mieux encore, fais-moi chaque jour l’honneur de m’admettre à ta table, et je mangerai le premier de tout ce que tu mangeras.

A ces paroles, Cosme se sentit tout réconforté, et se jetant au cou de son geôlier, il l’embrassa en pleurant, en lui jurant une reconnaissance éternelle, et en lui promettant de se souvenir de lui si jamais la fortune lui en fournissait l’occasion en redevenant son amie.

Machiavel oublie de dire si, dans les temps heureux, Cosme se souvint de cette promesse faite aux jours de l’infortune.

Le nom de ce geôlier, qui, comme on le voit, laisse bien loin derrière lui tous les geôliers sensibles et honnêtes de messieurs Caigniez, Guilbert de Pixérécourt et Victor Du cange, était Federigo Malavolti.

Avis à la postérité, qui, n’étant pas chargée de geôliers, peut donner une bonne place à celui-ci !