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Michel-Ange avait préparé ces beaux cartons qui s’égarèrent sans que l’on sût jamais ce qu’ils étaient devenus.

Dans les autres chambres du palais, qui sont les chambres d’habitation, on trouve aussi en nombre considérable des peintures de la même époque à peu près. Il faut excepter une charmante petite chapelle de Rodolfo Guirlandajo, qui fait, par son exécution serrée et religieuse, une opposition étrange avec cette peinture facile et païenne, du commencement de la décadence.

Tout bouleversé qu’il a été par les arrangemens de Cosme 1er, le Palais-Vieux conserve encore matériellement un souvenir de la république : c’est la tour de la Barberia, où fut enfermé Cosme l’Ancien, et à la porte de laquelle, un demi siècle plus tard, lors de la conspiration des Pazzi, le brave gonfalonnier César Petrucci monta la garde avec une broche.

Ce fut dans cette tour, aujourd’hui séparée en bûcher et changée en garde-robe, que Cosme l’Ancien passa, certes, les quatre plus mauvais jours de sa longue vie. Pendant ces quatre jours, la crainte d’être empoisonné par ses ennemis l’empêcha de prendre aucune nourriture.

Car, dit Machiavel, beaucoup voulaient qu’il fût envoyé en exil ; mais beaucoup voulaient aussi qu’on le fit mourir, tandis que le reste se taisait ou par compassion ou par peur. Ces derniers, en ne prenant aucun parti, empêchaient que rien ne se conclût. Pendant ce temps, Cosme avait été enfermé dans une tour du palais et donné en garde à un geôlier ; et, comme du lieu où il était enfermé, ce grand citoyen entendait le bruit des armes qui se faisait sur la place, et le tintement éternel du beffroi qui appelait le peuple à la balie, il craignait à la fois, ou qu’on le fit mourir publiquement, ou bien plutôt encore qu’on le frappât dans l’ombre. C’est pourquoi, s’arrêtant surtout à ce dernier soupçon, il fut quatre jours sans prendre aucune nourriture, si ce n’est un peu de pain qu’il avait apporté avec lui. Alors, s’apercevant des craintes de son prisonnier, le geôlier, qui venait de lui servir son dîner que depuis quatre jours il emportait intact, s’approcha de lui, et le regarda en secouant tristement la tête : — Tu doutes de moi, Cosme, lui dit-il, tu