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geux pour qu’elle ne l’acceptât point ; cependant il n’y eut, pour ce jour, aucun rapprochement entre les deux époux.

Le lendemain, 16 juillet 1576, Giordano Orsini invita sa femme à une grande chasse qu’il devait faire à sa villa de Cerreto. Isabelle accepta, et y arriva le soir avec ses femmes. À peine entrée, elle vit venir à elle son mari conduisant en laisse deux magnifiques lévriers qu’il la pria d’accepter, et dont il l’invita à faire usage le lendemain ; puis on se mit à table. Au souper, Orsini fut plus gai que personne ne l’avait jamais vu, accablant sa femme de prévenances et de petits soins, comme aurait pu faire un amant pour sa maîtresse ; si bien que, quelque habituée qu’elle fût d’avoir autour d’elle des cœurs dissimulés, Isabelle y fut presque trompée. Cependant, lorsque après le souper son mari l’eut invitée à passer dans sa chambre, et lui donnant l’exemple l’y eût précédée, elle se sentit instinctivement frissonner et pâlir, et se retournant vers la Frescobaldi, sa première dame d’honneur : — Madame Lucrèce, lui dit-elle, irai-je ou n’irai-je pas ? Cependant, à la voix de son mari qui revenait sur le seuil, lui demandant en riant si elle ne voulait pas venir, elle reprit courage et le suivit. Entrée dans la chambre, elle n’y trouva aucun changement, son mari avait toujours le même visage, et le tête à tête parut même augmenter sa tendresse. Isabelle, trompée, s’y abandonna, et, lorsqu’elle fut dans une position à ne pouvoir plus se défendre, Orsini tira de dessous l’oreiller une corde toute préparée, la passa autour du cou d’Isabelle, et changeant tout à coup ses embrassemens en une étreinte mortelle, il l’étrangla, malgré ses efforts pour se défendre, sans qu’elle eût en même le temps de jeter un cri.

Ce fut ainsi que mourut Isabelle.

Reste Virginie ; celle-là fut mariée à César d’Este, duc de Modène. Voilà tout ce qu’on sait d’elle ; sans doute elle eut un meilleur sort que ses trois sœurs. L’histoire n’oublie que les heureux.

Voilà le côté sombre de la vie de Cosme ; maintenant voici le côté brillant.

Cosme était un des hommes les plus savans de l’époque. Entre autres choses, dit Baccio Baldini, il connaissait une grande quantité de plantes, savait les lieux où elles nais-