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Philippe Strozzi déposa une somme immense entre les mains d’un frère dominicain de Naples, qui avait, disait-on, une grande influence sur Charles-Quint, pour qu’il obtînt de Charles-Quint qu’il rendit la liberté à sa patrie. Jean-Baptiste Cibo, archevêque de Marseille, essaya de profiter de ses amours avec la sœur de son frère, qui, séparée de son mari, habitait le palais des Pazzi, pour le faire tuer un jour qu’il viendrait la voir dans ce palais ; et comme il savait qu’Alexandre portait ordinairement sous son habit un jaque de mailles, si merveilleusement fait qu’il était à l’épreuve de l’épée et du poignard, il avait fait remplir de poudre un coffre sur lequel le duc avait l’habitude de s’asseoir lorsqu’il venait voir la marquise, et il devait y faire mettre le feu. Mais cette conspiration et toutes les autres qui la suivirent furent découvertes, à l’exception d’une seule. C’est qu’aussi dans celle-là il n’y avait qu’un conjuré, qui, à lui seul, devait tout accomplir. Ce conjuré était Laurent de Médicis, l’aîné de cette branche cadette, qui s’écarta du tronc paternel avec Laurent, frère puîné de Cosme le Père de la patrie, et qui, dans sa marche ascendante, s’était, tout en côtoyant la branche aînée, séparée elle-même en deux rameaux.

Laurent était né à Florence, l’an 1514, le 25 mars, de Pierre-François de Médicis, deux fois neveu de Laurent, frère de Cosme et de Marie Soderini, femme d’une sagesse exemplaire, et d’une prudence reconnue.

Laurent perdit son père de bonne heure, et comme il avait neuf ans à peine, sa première éducation se fit alors sous l’inspection de sa mère. Mais l’enfant ayant une grande facilité à apprendre, cette éducation fut faite très-rapidement, et il sortit de cette tutelle féminine pour entrer sous celle de Philippe Strozzi : là son caractère étrange se développa. C’était un mélange de raillerie, d’inquiétude, de désir, de doute, d’impiété, d’humilité et de hauteur, qui faisait que tant qu’il n’eut pas de motifs de dissimuler, ses véritables amis ne le virent jamais deux fois de suite sous la même face, caressant tout le monde, n’estimant personne, aimant tout ce qui était beau, sans distinction de sexe, c’était une de ces créatures hermaphrodites, comme la