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natale ; enfin, il fit un effort sur lui-même, et, avant même d’embrasser ni sa femme ni son père, il s’en alla frapper à la porte de ce fameux conseil dont toute sa vie allait dépendre.

Les juges lui demandèrent son nom, et ce qu’il avait fait. Le jeune homme répondit qu’il se nommait Lorenzo Ghiberti ; quant à la seconde question, il était moins facile d’y répondre, car il n’avait guère fait encore que les charmantes figures de cire et de glaise avec lesquelles jouaient les jolis enfans du tyran Malatesta.

Aussi le pauvre Ghiberti eut-il grande peine de désarmer la sévérité de ses juges, et déjà il était près de retourner à Rimini, lorsque, sur la demande de Brunelleschi, ami de son beau-père, et de Donatello, son ami à lui, il fut reçu mais plutôt à titre d’encouragement qu’à titre de concurrence sérieuse. N’importe, il était reçu, c’était tout ce qu’il lui fallait ; il empocha sa somme, prit son programme et se mit à la besogne.

L’année s’écoula, chacun travaillant de son mieux ; puis, au jour dit, chacun présenta son esquisse. Il y avait trente-quatre juges, tous peintres, sculpteurs ou orfèvres du premier rang.

Le prix se partagea de prime-abord entre trois des concurrens. Ces trois lauréats étaient Brunelleschi, Lorenzo de Bartoluccio et Donatello. On avait bien trouvé l’esquisse de Ghiberti fort belle ; mais il était si jeune que, soit crainte de blesser les maîtres qui avaient concouru avec lui, soit toute autre raison, on n’avait point osé lui donner le prix. Mais alors il arriva une chose merveilleuse : c’est que Brunelleschi, Bartoluccio et Donatello, s’étant retirés dans un coin pour délibérer, revinrent, après un instant de délibération, et dirent aux consuls qu’il leur semblait qu’on avait fait une chose contre la justice en leur décernant le prix, et qu’ils croyaient, en leur âme et conscience, que celui qui l’avait véritablement gagné était Lorenzo Ghiberti.

On conçoit qu’une pareille démarche rangea facilement les juges de son côté ; et, une fois par hasard, le prix fut accordé à celui qui l’avait mérité. Il est vrai que le concours,