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et le triangle équilatéral s’établit ainsi tout doucement à la satisfaction de chacun.

Ceci n’est point l’histoire de l’Italie particulièrement, c’est l’histoire de tous les pays du monde ; seulement dans tous les pays du monde on le cache par hypocrisie ou par orgueil ; en Italie, on le laisse voir par habitude et par insouciance.

Mais ce qui n’arrive qu’en Italie, par exemple, c’est que cette liaison devient le véritable mariage, et que presque toujours la fidélité trahie envers le premier est gardée au second. En effet, une fois la dame et son cavalier liés ainsi l’un à l’autre, plus cet arrangement a été public, plus il devient nécessairement durable. Maintenant, ne vaut-il pas mieux prendre publiquement un amant et le garder toute sa vie, que d’en changer clandestinement tous les huit jours, tous les mois, ou même tous les ans, comme c’est l’habitude dans un autre pays que je connais et que je ne nomme pas.

Mais les maris italiens, quelles figures font-ils ?

À ceci je répondrai par un petit dialogue :

— M. de ***, disait l’empereur à l’un de ses courtisans, on m’assure que vous êtes cocu ; pourquoi ne me l’avez-vous pas dit ?

— Sire, répondit M. de ***, parce que j’ai cru que cela n’intéressait ni mon honneur ni celui de Votre Majesté.

Les maris italiens sont de l’avis de M. de ***.

Malheureusement, ce petit arrangement intérieur, que je trouve pour mon compte, du moment que cela convient aux trois intéressés, tout simple, tout naturel, et je dirai presque tout moral, ne s’exécute qu’aux dépens de l’hospitalité. En effet, on comprend combien doit être gênant, plongeant du salon à l’alcôve, le coup d’œil investigateur d’un étranger, et surtout d’un Français, qui, avec sa légèreté et son indiscrétion habituelles, s’en ira, Florence à peine quittée, remercier par la publicité de leur vie privée les familles qui, sur la recommandation d’un ami, l’auront accueilli comme un ami. Lui, inconnu, n’aura cependant passé chez ceux qui l’ont reçu ainsi, que pour laisser le trouble en remerciement des gracieuses et attentives politesses qu’il en a ré-