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Les deux jeunes princesses viennent derrière, causant presque toujours avec la grande-duchesse douairière qui a fait leur éducation, ou avec leur tante. Elles sont filles d’un premier mariage, ce qui se voit facilement, la grande-duchesse ayant l’air de leur sœur aînée. Elles sont belles toutes deux de cette beauté allemande dont le caractère principal est la douceur. Seulement, la taille frêle de l’aînée donne quelques craintes, dit-on, à la sollicitude paternelle. Mais Florence est une bonne et douce mère, Florence la bercera si bien à son beau soleil qu’elle la guérira.

Il y a quelque chose de touchant et de patriarcal à voir une famille souveraine mêlée ainsi à son peuple, s’arrêtant de vingt pas en vingt pas, pour causer avec les pères et pour embrasser les enfans. Cette vue me reportait en souvenir à notre pauvre famille royale, enfermée dans son château des Tuileries comme dans une prison, et tremblante, chaque fois que le roi sort, à l’idée que ses six chevaux, si rapide que soit leur galop, pourraient ne ramener qu’un cadavre.

Pendant qu’on se promène, les voitures attendent dans les allées adjacentes. Vers les six heures, chacun remonte dans la sienne, et les cochers reprennent d’eux-mêmes, et sans qu’on le leur dise, le chemin du Piazzonne ; là ils s’arrêtent sans qu’on ait même besoin de leur faire signe.

C’est que le Piazzonne de Florence offre ce que n’offre peut-être aucune autre ville : une espèce de cercle en plein air, où chacun reçoit et rend ses visites ; il va sans dire que les visiteurs sont les hommes. Les femmes restent dans les voitures, les hommes vont de l’une à l’autre, causent à la portière, ceux-ci à pied, ceux-là à cheval, quelques-uns plus familiers montés sur le marchepied.

C’est là que la vie se règle, que les coups d’œil s’échangent, que les rendez-vous se donnent.

Au milieu de toutes ces voitures passent des fleuristes vous jetant des bouquets de roses et de violettes, dont elles iront le lendemain matin, au café, demander le prix aux hommes en leur présentant un œillet. Au reste, ce lendemain venu, paie qui veut, les fleurs ne sont pas cher à Florence. Florence est le pays des fleurs ; demandez plutôt à Benvenuto Cellini.