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Les alcyons au vol gagnaient l’abri du port ;
Le Midi s’effaçait sous les teintes du Nord.
La Méditerranée, orageuse et grondante,
Comme un lac échappé du sombre enfer de Dante,
N’avait plus son parfum, plus son riant sommeil,
Plus ses paillettes d’or qu’elle emprunte au soleil.
Il le fallait ainsi : la mer intelligente
Qui roule de Marseille au golfe d’Agrigente,
Notre classique mer, avait su revêtir
Le plaid d’Écosse au lieu de la pourpre de Tyr :
C’est ainsi, voyageur, qu’elle te faisait tête,
À toi, l’enfant du Nord, dramatique poète,
Le jour où, couronné d’un cortège d’amis,
La voile au vent, debout sur le canot promis,
Loin du port, où la vague expire, où le vent gronde,
Loin de la citadelle, où surgit la tour ronde,
Vers l’archipel voisin tu voguais si joyeux,
Et pour tout voir n’ayant pas assez de tes yeux.

Moi, l’amant de la mer, et que la mer tourmente,
Moi, qui redoute un peu mon orageuse amante,
Sur la brume des eaux je te suivais de l’œil ;
Je conjurais de loin la tempête et l’écueil,
En répétant tout bas à ta chaloupe agile
Les vers qu’Horace chante au vaisseau de Virgile ;
Et puis, en te perdant sur les flots écumeux,
Mes souvenirs venaient, noirs et tristes comme eux !…

Combien de fois, depuis mes courses enfantines,
J’ai contemplé la mer et ses voiles latines ;
L’île de Mirabeau, rocailleuse prison ;
Les Monts-Bleus dont le cap s’effile à l’horizon ;
Et les golfes secrets, où le flot de Provence
Chante de volupté sous le pin qui s’avance.
Alors, à cet aspect, je ne songeais à rien,
C’était un tableau calme, un rêve aérien,
Un paysage d’or. La vague, douce et lente,
Endormait dans l’oubli ma pensée indolente.
Aujourd’hui, toi voguant au voisin archipel,