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chers, et vous vous chargerez de la buona mano. — Va bene, avait répondu le vetturino. En conséquence, le prince C… avait donné ses douze piastres, et le legno était parti au galop, l’emportant, lui et toute sa robba. Il était neuf heures du matin ; selon son calcul, le prince devait être à Florence vers trois ou quatre heures de l’après-midi.

À un quart de lieue de Livourne, les chevaux s’étaient ralentis tout naturellement et avaient pris le pas. Quant au cocher, il s’était mis à chanter sur son siège, ne s’interrompant que pour causer avec ses connaissances ; mais bientôt, comme on cause mal en marchant, il s’arrêta toutes les fois qu’il trouva l’occasion de causer.

Le prince supporta ce manège pendant une demi-heure ou trois quarts d’heure ; mais, au bout de ce temps, calculant qu’il avait fait à peu près un mille, il mit la tête à la portière, en criant dans le plus pur toscan : Avanti ! avanti ! tirate via.

— Combien donnerez-vous de bonne main ? demanda le cocher dans le même idiome.

— Que venez-vous me parler de bonne main ? dit le prince. J’ai donné douze piastres à votre maître, à condition qu’il se chargerait de tout.

— La bonne main ne regarde pas les maîtres, répondit le cocher. Combien donnerez-vous de bonne main ?

— Pas un sou, j’ai payé.

— Alors, s’il plaît à Votre Excellence, nous irons au pas.

— Comment, nous irons au pas ; mais votre maître s’est engagé à me conduire en six heures à Florence.

— Où est le papier ? demanda le cocher.

— Le papier ? Est-ce qu’il y avait besoin de faire un papier pour cela ?

— Vous voyez bien que, si vous n’avez pas de papier, vous ne pouvez pas me forcer.

— Ah ! je ne puis pas te forcer, dit le prince.

— Non, Votre Excellence.

— Eh bien ! c’est ce que nous allons voir.

— C’est ce que nous allons voir, répéta tranquillement le cocher ; et il remit son attelage au pas.