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ne changera pas de voiture. Ils jetteront les hauts cris ; on les mettra à la porte. Au bout de dix minutes, il en rentrera un par la fenêtre, et on fera prix avec lui pour trente francs.

Ce prix fait, vous êtes sacré pour tout le monde ; en cinq minutes, le bruit se répand que vous êtes accordé. Vous pouvez dès lors aller partout où bon vous semblera, chacun vous salue et vous souhaite un bon voyage ; vous vous croiriez au milieu du peuple le plus désintéressé de la terre.

À l’heure dite, le legno est à la porte. En Italie, le mot legno s’applique à tout ce qui transporte ; c’est aussi bien une barque qu’un carrosse à six chevaux, un cabriolet qu’un bateau à vapeur : legno est le mâle de robba, legno et robba sont le fond de la langue. Le legno est une infâme brouette ; il ne faut point y faire attention : il n’y en a pas d’autres dans les écuries du padrone. D’ailleurs on n’y sera pas plus mal que dans une diligence. La seule question dont il reste à s’occuper, est celle de la buona mano, c’est-à-dire du pourboire.

C’est là une grande affaire, et elle demande à être conduite sagement. Du pourboire dépend le temps qu’on restera en voyage ; ce temps varie au gré du cocher, de six à douze heures. Un prince russe de nos amis, qui avait oublié de se faire donner des renseignemens à ce sujet, est même resté vingt-quatre heures en route, et a passé une fort mauvaise nuit.

Voici l’histoire ; nous reviendrons ensuite à la buona mano.

Le prince C… était arrivé avec sa mère et un domestique allemand à Livourne. Comme tout voyageur qui arrive à Livourne, il avait cherché aussitôt les moyens de partir le plus vite possible. Or, ainsi que nous l’avons dit, les moyens viennent au devant de vous, il ne s’agit que de savoir en faire usage.

Les vetturini avaient su des facchini qui avaient porté les malles qu’ils avaient affaire à un prince. En conséquence, ils lui avaient demandé douze piastres au lieu de dix ; et de son côté, au lieu de leur en offrir cinq, le prince leur avait répondu : — C’est bon, je vous donnerai douze piastres ; mais je ne veux pas être ennuyé à chaque relai par les co-