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Mais, un matin, on apprit à Florence que Manfred, ce grand protecteur du parti gibelin, avait été tué à la bataille de Grandella, et que celui-là qui avait fait trembler l’Italie n’avait plus d’autre tombeau que la pierre qu’en passant avait jetée sur son cadavre chaque soldat de l’armée française ; encore sut-on bientôt que l’archevêque de Cosence, lui ayant envié cette sépulture improvisée par la piété de ses ennemis, avait fait enlever son corps et l’avait fait jeter sur les frontières du royaume, aux bords de la rivière Verde.

On comprend le changement que cette nouvelle apporta dans la contenance du parti guelfe. Le peuple manifesta sa joie par des cris et des illuminations ; les exilés se rapprochèrent de la ville, n’attendant plus que le moment d’y rentrer, et Guido Novello et ses quinze cents gendarmes, c’est tout ce qui lui en était resté après la bataille de Monte Aperto, se trouva comme un naufragé sur une roche, et qui voit, à chaque instant, la marée qui monte.

Au lieu de faire bravement face au danger, et de maintenir Florence par la terreur, ce qui lui était possible encore avec ses quinze cents hommes, Guido crut qu’il apaiserait les esprits en faisant aux partis de ces concessions qui leur donnent la mesure de leur force. Il fit venir de Bologne, pour être ensemble podestats de Florence, car les podestats, on le sait, devaient toujours être étrangers, deux chevaliers d’un ordre nouveau qui venait de s’élever, et qui, dispensé des vœux de chasteté et de pauvreté, faisait seulement serment de défendre les veuves et les orphelins. De ces deux chevaliers, l’un était Gibelin, l’autre était Guelfe. On leur composa un conseil de trente-six prud’hommes, divisés politiquement de la même façon ; on autorisa les citoyens à se réunir en corporations, on forma douze corps d’arts et métiers[1]; on accorda aux sept arts majeurs des enseignes, sous lesquelles devaient se ranger les autres en cas d’alarme, et l’on espéra que du contact naîtrait une fusion.

  1. De là la dénomination d’arts majeurs et d’arts inférieurs qu’on retrouve si souvent dans l’histoire de Florence. Les arts majeurs étaient :
    1° Les jurisconsultes ; 2° les marchands de drap étranger ; 3° les