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précieusement conservées dans la Basilique, comme Gênes conserve à ses portes les chaînes du port de Pise, comme Pérouse garde, à la fenêtre du palais municipal, le lion de Florence ; pauvres villes, auxquelles il ne reste de leur antique liberté que les trophées qu’elles se sont enlevés les unes aux autres ! pauvres esclaves, à qui leurs maîtres, par dérision sans doute, ont cloué au front leurs couronnes de reine !

Le 27 septembre, l’armée gibeline se présenta devant Florence dont elle trouva toutes les femmes en deuil ; car, dit Villani, il n’en était pas une seule qui n’eût perdu un fils, un frère ou un mari. Les portes en étaient ouvertes, et nulle opposition ne fut faite. Dès le lendemain toutes les lois guelfes furent abolies, et le peuple, cessant d’avoir part au conseil, rentra sous la domination de la noblesse.

Alors une diète des cités gibelines de la Toscane fut convoquée à Empoli ; les ambassadeurs de Pise et de Sienne déclarèrent qu’ils ne voyaient d’autres moyens d’éteindre la guerre civile qu’en détruisant complètement Florence, véritable ville des Guelfes, et qui ne cesserait jamais de favoriser ce parti. Les comtes Guidi et Alberti, les Santafior et les Ubaldini, appuyèrent cette proposition. Chacun y applaudit, soit par ambition, soit par haine, soit par crainte. La motion allait passer, lorsque Farinata des Uberti se leva.

Ce fut un discours sublime que celui que prononça ce Florentin pour Florence, ce fils plaidant en faveur de sa mère, ce victorieux demandant grâce pour les vaincus, offrant de mourir pour que la patrie vécût, commençant comme Coriolan et finissant comme Camille.

La parole de Farinata l’emporta au conseil, comme son épée à la bataille. Florence fut sauvée : les Gibelins y établirent le siège de leur gouvernement, et le comte Guida Novello, capitaine des gendarmes de Manfred, fut nommé gouverneur de la ville.

Ce fut la cinquième année de cette réaction impériale que naquit, à Florence, un enfant qui reçut de ses parens le nom d’Alighieri, et du ciel celui de Dante.

Les choses durèrent ainsi depuis 1260 jusqu’en 1266.