Page:Dumas - Une Année à Florence.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’assemblée fut tumultueuse ; la masse était d’avis d’accepter, mais quelques-uns plus clairvoyans craignaient une trahison. Les Anziani, qui avaient entamé la négociation et qui devaient en tirer honneur, l’appuyaient de tout leur pouvoir, et le peuple appuyait les Anziani. Le comte Guido Guerra et Tegghiaio Aldobrandini essayèrent en vain de s’opposer à la majorité ; le peuple ne voulut pas les écouter. Alors Luc des Guerardini , connu par sa sagesse et son dévouement à la patrie, se leva et essaya de se faire entendre ; mais les Anziani lui ordonnèrent de se taire. Il n’en continua pas moins son discours, et les magistrats le condamnèrent à cent florins d’amende. Guerardini consentit à les payer, si à ce prix il obtenait la parole. L’amende fut doublée, Guerardini accepta cette nouvelle punition en disant qu’on ne pouvait acheter trop cher le bonheur de donner un bon avis à la république. Enfin, on porta l’amende jusqu’à la somme de quatre cents florins sans qu’on pût lui imposer silence. Ce dévouement, qu’on prit pour de l’obstination, exalta les esprits, la peine de mort tut proposée et adoptée contre celui qui osait s’opposer ainsi à la volonté du peuple. La sentence fut aussitôt signifiée à Guerardini, il l’écouta tranquillement, puis se levant une dernière fois : « Faites dresser l’échafaud, dit-il , mais laissez-moi parler pendant qu’on le dressera. » Au lieu de tomber aux pieds de cet homme, ils l’arrêtèrent et le firent conduire en prison. Alors comme il était à peu près le seul opposant, et que d’ailleurs aucun n’était de cœur à suivre un pareil exemple, une fois Guerardini hors de l’assemblée, la proposition passa. Florence envoya demander aussitôt du secours à ses alliées. Lucques, Bologne, Pistole, Le Prato, San Miniato et Volterra répondirent à son appel. Au bout de deux mois, les Guelfes avaient rassemblé trois mille cavaliers et trente mille fantassins.

Le lundi 3 septembre 1260, cette armée sortit nuitamment des murs de Florence, et marcha vers Sienne. Au milieu d’une garde choisie parmi les plus braves, roulait pesamment le Carroccio. C’était un char doré attelé de huit bœufs couverts de caparaçons rouges, et au milieu duquel s’élevait une antenne surmontée d’un globe doré ; au-dessous de ce