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Dieu mit six jours à sa genèse ; l’Italie six siècles à la sienne.

Ce furent surtout les villes des côtes, qui, les premières, se trouvèrent mûres pour la liberté. Déjà, du temps de Selon, on avait remarqué que les marins étaient les plus indépendans des hommes. Ainsi que les déserts, la mer est un refuge contre la tyrannie ; l’homme qui se trouve sans cesse entre le ciel et l’eau, riche et puissant de l’espace qu’il a devant lui, a bien de la peine à reconnaître d’autre maître que Dieu.

Il en résultait que Gênes et Pise relevaient bien de l’empire comme les villes de l’intérieur, mais, plus que celles-ci cependant, elles s’étaient peu à peu soustraites à sa domination. Dans les expéditions qu’elles faisaient pour leur propre compte dans les îles de Corse et de Sardaigne, elles traitaient depuis longtemps de la paix et de la guerre, des rançons et des tributs, et cela selon leur bon plaisir et sans en rendre compte à personne. Grâce à cet acheminement vers l’indépendance, ces deux villes étaient déjà, sur la fin du xe siècle, dans un si grand état de prospérité, qu’en 982, Othon envoya sept de ses barons pour obtenir de la marine pisane un renfort de galères qui le secondât dans son expédition de Calabre. Pendant qu’ils étaient à Pise, Othon mourut. Cette mort rendait leur voyage inutile ; mais ce n’était pas sans envier le sort des Toscans qu’ils avaient vu la fertilité de leur plaines et la richesse de leurs cités. Séduits par les promesses d’avenir que le ciel avaient fait à ce beau pays, ils obtinrent de la municipalité le titre de citoyens, et de l’évêque l’inféodation de quelques châteaux. Ce fut la tige des sept familles pisanes qui demeurèrent trois siècles à la tête de la faction guelfe ou gibeline. Ils se nommaient Visconti, Godimari, Orlandi, Vecchionesi, Gualandi, Sismondi, Lanfranchi.

De son côté, Gênes, couchée aux pieds de ses montagnes arides, qui la séparent comme une muraille de la Lombardie, fière de l’un des plus beaux ports de l’Europe, déjà peuplé de vaisseaux au xe siècle, tirant de sa situation le bénéfice d’être isolée du siège de l’empire, se livrait dans toute l’ardeur de sa jeune existence au commerce et a la marine.