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qu’il fallait raconter tout cela ; que, du reste, la chose s’arrangerait certainement, Mondragone ayant toute la confiance du prince, et possédant sur lui la double influence d’un gouverneur et d’un ami. En conséquence, elle lui offrit de la venir prendre le lendemain avec sa belle-mère, et de la conduire chez son mari. Bianca, effrayée de sortir ainsi pour la première fois depuis trois ou quatre mois qu’elle habitait Florence, et menacée comme elle était par l’arrêt du conseil des Dix, essaya de s’excuser sur la simplicité de sa mise, qui ne lui permettait pas de se présenter devant un grand seigneur comme le comte de Mondragone. C’était là que l’attendait la tentatrice : elle s’approcha d’elle, reconnut qu’elles étaient à peu près toutes deux de la même taille, et ajouta que, s’il n’y avait d’autre obstacle à l’entrevue que la simplicité de la mise de Bianca, l’obstacle était facile à lever ; car elle apporterait le lendemain un costume complet qu’on lui avait envoyé de la ville, costume qui, elle en était certaine, irait à Bianca comme s’il avait été fait pour elle.

Bianca consentit à tout : c’était le seul moyen d’obtenir le sauf-conduit ; peut-être aussi le serpent de l’orgueil s’était-il déjà introduit dans le paradis de son amour.

Cependant Bianca raconta tout à son mari, excepté le bouquet tombé par la fenêtre et ramassé parle grand-duc Francesco. D’ailleurs quel rapport ce bouquet avait-il avec le comte et la comtesse Mondragone ? La situation pesait autant à Pietro qu’à Bianca, il consentit à tout ; d’ailleurs, lui aussi avait son secret : depuis deux ou trois jours une belle dame voilée avait passé entre lui et sa femme. Quoique de basse condition, Bonaventuri avait tous les goûts d’un gentilhomme, et la fidélité, on le sait du reste, n’était point à cette époque la vertu dont la noblesse se piquait le plus.

La Mondragone arriva à l’heure dite et avec le costume promis. C’était un charmant habit de satin broché d’or, taillé à l’espagnole, et qui allait à Bianca comme s’il eût été fait pour elle. La jeune fille frémit de joie au toucher de ces étoffes aristocratiques dont avait été drapé son berceau. Il faut des robes de brocard et de velours pour balayer les escaliers de marbre des palais. Or, Bianca avait été élevée dans un palais. Un coup de vent funeste et inattendu l’a-