une nuit de désespoir et d’adieu, que tant que cette bague ne vous serait pas rendue…
Je ne serais à personne… Eh bien ?…
Connaissez-vous cette bague ?
Miséricorde ! il est mort !
Marguerite, il est vivant, il vous aime.
S’il est vivant, s’il m’aime, comment cette bague est-elle entre vos mains ?
Exilé, proscrit, il a pensé qu’il était de sa délicatesse de vous offrir de vous rendre la liberté, de disposer de votre cœur.
Lorsqu’une femme a fait pour un homme ce que j’ai fait pour lui, elle ne doit aimer plus que cet homme et n’appartenir jamais qu’à Dieu !
Marguerite, vous êtes un ange.
Dites-moi, vous l’avez donc vu ?
C’est moi qui fus chargé de le déporter à Cayenne : pendant la traversée, il me dit tout et je vis que l’on m’avait fait l’instrument de la vengeance et non de la justice ! Alors, je pensai que la Providence m’avait choisi pour être le juge des juges ; Lusignan est exilé, mais libre, et il attend à New-York le résultat des démarches que ses amis à cette heure ont déjà faites à la cour.
Et vous croyez obtenir sa grâce ?
J’ai obtenu mieux que cela.
Laissez-moi baiser vos mains, monsieur.
Venez dans mes bras, Marguerite, vous êtes une sainte jeune fille.
Vous ne me méprisez donc pas ?
Marguerite, si j’avais une sœur, je prierais Dieu qu’elle vous ressemblât.
Vous auriez une sœur bien malheureuse !
Peut-être.
Oh ! vous ne savez pas ?
Dites.
M. de Lectoure doit être arrivé à cette heure.
Je le sais.
Ce soir on signe le contrat.
Et vous le signerez ?
Ils me forceront.
Ne vous sentez-vous pas la force de résister ?
Je me sens la force de mourir.
Pauvre enfant !
À qui voulez-vous que je m’adresse ? qui voulez vous que je prie ? qui voulez-vous que j’implore, mon frère ? Dieu sait si je lui pardonne, mais il ne peut me comprendre ; ma mère ! Oh ! monsieur, vous ne la connaissez pas ma mère : c’est une femme d’une vertu sévère, d’une volonté inflexible, et lorsqu’elle a dit : Je le veux ! il n’y a plus qu’à pleurer et à obéir. Mon père ! vous ne savez peut-être pas, monsieur ? il est insensé, il a perdu la raison, et avec elle, tout sentiment d’amour paternel… il y a dix ans que je ne l’ai vu, mon père ; il y a dix ans que je n’ai pressé ses mains tremblantes, que je n’ai baisé ses cheveux blancs. Il ne sait plus s’il a un cœur, s’il a des enfans, s’il a une fille… il ne me reconnaîtra pas, et, me reconnût-il, eût-il pitié de moi, ma mère lui mettra une plume entre les mains, lui dira : Signez, je le veux ! et il signera, le pauvre et faible vieillard, et Marguerite sera condamnée.
Marguerite, je serai à la signature de ce contrat.
Et qui vous introduira au château ?
J’ai un moyen.
Oh ! mon frère est brave, emporté ; son ambition s’ouvre un avenir par mon mariage… Oh ! monsieur ! monsieur !
Votre frère m’est aussi sacré que vous-même, ne craignez rien !
Vous me faites frémir.
Que comptez-vous faire avec Lectoure ?
Lui demander un entretien.
Et dans cet entretien ?
Lui tout dire.
Laissez-moi vous adorer.
Monsieur…
Oh ! comme une sœur.
Oh ! vous êtes bon, et je crois que c’est Dieu qui vous envoie.
Croyez !