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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

dire : « Délie ces cordes ! » Marguerite, tombant à genoux, et le déliait d’un seul coup.

M. Dumas a triplé cet effet en faisant délier Buridan en trois fois, voilà ce que je dois avouer et dire. Il a été au-dessus de moi de toute la hauteur du talent éprouvé sur la faiblesse qui s’essaye, du faire sur l’inexpérience.

Quant à la vérité de ce que j’avance, elle se trouvera, pour tout lecteur impartial, d’abord dans la précision, la textualilé des détails, si je puis m’exprimer ainsi ; je ne cite pas seulement ce qui se trouve dans la Tour de Nesle actuelle, mais ce qui ne s’y trouve pas, entre autres une scène du quatrième tableau. Buridan venait en bohémien, et non en capitaine, chez Orsini sorcier. Celui-ci voulait en imposer au bohémien, qui lui révélait les meurtres de la Tour de Nesle comme il les avait révélés à Marguerite ; et bientôt l’envoûteur tombait aux genoux du bohémien, pris aux propres superstitions que lui-même inspirait au vulgaire, à savoir que, peut-être, il y avait de vrais sorciers ! Cette scène a dû disparaître du moment qu’Orsini était fait tavernier.

Ensuite, j’ai pour probabilité, je devrais dire pour preuve de ma parole, la parole même de M. Dumas, dans cette lettre où il me dit : « Harel est venu me demander des conseils pour un drame de vous qu’il désirait monter. Votre pièce… Ce que j’ai été heureux de pouvoir y ajouter…, etc. » On ne parle point ainsi d’un ouvrage dans lequel on a tout fait. Puis un mot de M. Harel, que je reçus avant mon départ (après la retraite de Janin), et dans lequel il me dit : « Écrivez-moi ; soignez votre santé, et surtout travaillez ! » Il y avait donc des modifications, des changements arrêtés, un travail à faire !… On le nie, je l’affirme, et j’affirme avec pièces !… C’est au lecteur à juger[1].

  1. « Je soussigné, l’un des directeurs du journal l’Avant-Scène, ancien inspecteur général du théâtre de la Porte-Saint-Martin, sous M. de Lhéry, prédécesseur de M. Harel, déclare que, peu de temps avant la retraite de M. de Lhéry, M. F. Gaillardet me communiqua un manuscrit de la Tour de Nesle, en cinq actes, sans tableaux, dont il était seul auteur ; que, plus tard, et avant son départ pour la province, M. Gaillardet me montra un nouveau plan du même drame en tableaux, et dans lequel était, à très-peu de chose près, toute la Tour de Nesle actuelle ; plan qui venait d’être arrêté, m’a-t-il dit, entre lui et M. Harel.
    » En foi de quoi, etc.
    Duperret.
    » 21 septembre 1834. »