Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

On n’a pas oublié cette lettre, la première que j’écrivis à M. Gaillardet.

Maintenant, lecteur, parlez. Laquelle est portée plus haut chez M. Dumas, ou la philosophie de la délicatesse, ou bien celle de l’assurance ?

« Duvernoy vint me trouver, poursuit M. Dumas, et nous réglâmes séance tenante, les conditions du marché. La vente fut arrêtée à quatorze cents francs dont sept cents devaient être remis au jeune homme. Cette somme, sans doute, ne parut pas au jeune homme proportionnée au mérite de son drame… Au bout de quinze jours, il signa cette vente pour une somme de cinq cents francs, Le jeune homme aurait mieux fait, vous le voyez, de continuer à me charger de ses affaires d’intêrêt. »

Voici une déclaration signée de M. Duvernoy :

« Par le même esprit d’impartialité qui m’a fait donner à M. Alexandre Dumas une déclaration dans laquelle j’ai reconnu que M. Gaillardet m’avait proposé le manuscrit de la Tour de Nesle (nous verrons ceci plus tard), je déclare qu’il n’a jamais été question de quatorze cents francs pour le prix dudit manuscrit, mais d’une somme que je crois être de mille francs.

« Duvernoy.
» Paris, 8 septembre 1834. »

J’en ai bien d’autres, et de toutes les philosophies à citer ! mais elles trouveront place dans mon récit ; car, maintenant, oui, maintenant, je me sens assez fort pour l’entreprendre !

Ce fut le 27 mars que je lus mon drame de la Tour de Nesle à M. Harel en présence de M. Janin et de mademoiselle Georges. Le drame fut reçu. « Dumas ne ferait pas mieux ! s’écria le directeur avec enthousiasme. Il y a, pourtant, quelque chose à retoucher au style, qui n’est point scénique ; mais ne vous en inquiétez pas ; commencez un autre drame, et Janin nous fera le plaisir, à vous et à moi, de reviser quelques pages. » Je ne compris pas trop comment M. Janin, qui n’avait jamais fait de drame, aurait un style scénique, suivant l’expression du directeur. « Mais, s’il n’en a pas fait, me dis-je à part moi, il en a beaucoup entendu, ce qui peut-être revient au même. » Je déclarai donc que je serais très-flatté et surtout très-reconnaissant si M. Janin voulait bien me sabler quelques phrases. M. Janin y consentit de la meilleure grâce du monde, et je sortis joyeux, et de M. Janin et de mademoiselle Georges. J’étais au septième ciel… L’ivresse ne fut pas longue.