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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

à me charger de ses affaires d’intérêt. — Il est inutile de dire qu’un seul nom parut sur la brochure comme un seul nom avait paru sur l’affiche.

Vous croyez peut-être que, moyennant ce dernier partage, mon jeune homme me tint quitte ?

Au moment où je m’occupais de la publication de mes œuvres complètes, je reçus une lettre de lui. Savez-vous ce qu’il me disait dans cette lettre ? Il me disait qu’il venait d’apprendre avec le plus grand étonnement que j’avais la prétention de mettre son drame parmi les miens. La chose, comme on le voit, dégénérait en bouffonnerie.

Je répondis au jeune homme que, s’il continuait à me rompre la tête avec ses balivernes, j’imprimerais son manuscrit dans la préface du mien.

Cette notification fut pour le pauvre diable un véritable coup de foudre. Il ignorait que M. Harel, après la signature de mon traité d’Angèle, m’avait, à titre de prime, fait cadeau de cet autographe.

Le lendemain, je reçus, par huissier, une invitation de remettre mon manuscrit aux mains de son auteur, parce que, disait-il, il venait de traiter de sa vente. La chose paraîtra peut-être bizarre d’abord ; mais on finira par la comprendre, en réfléchissant que, à l’exception d’une scène, le drame était entièrement inédit ; le libraire pouvait donc n’être pas dans son bon sens, mais l’auteur était dans son bon droit.

M. Philippe Dupin, à qui je remis les deux manuscrits, et qui les a encore entre les mains, fit répondre à notre adversaire que nous étions prêts à faire la remise dudit autographe, mais que nous ne la ferions qu’en échange d’une copie collationnée sous les yeux de trois auteurs dramatiques, et certifiée conforme par eux.

Le jeune homme réfléchit quinze jours, puis retira sa demande.

C’était le troisième procès qu’il entamait contre moi, pour lui avoir fait gagner douze mille francs.

Depuis ce temps, je n’ai plus entendu parler du jeune homme, et je ne sais, à l’heure qu’il est, s’il est mort ou vivant.

Voilà comment je fis ma Tour de Nesle.

Quant à celle de M. Gaillardet, j’ignore si c’est, comme il le dit, son meilleur drame, je ne la connais encore que par la lecture, et j’attendrai qu’il la fasse jouer pour juger si elle vaut mieux que George et Struensée.

Agréez, etc.
Alex. Dumas.

Les jours s’écoulèrent, et je savais que mon futur adver-