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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

La porte, espèce de bastille, se composait d’un édifice flanqué de deux tours rondes, entre lesquelles était l’entrée de la ville. On y arrivait par un pont en pierre assis sur quatre arches, et qui rétablissait la communication interceptée par le fossé, très-large en cet endroit.

Il paraît que, pendant longtemps, cette porte fut fermée au public ; car je lis des lettres patentes du 13 avril 1550, adressées aux prévôt et échevins, et les autorisant à « faire ouvrir la porte de Nesle, pour la commodité du fauxbourg, et pour gens de pied et de cheval seulement, sans que charrettes et chevaux chargés de marchandises sujettes à imposition y puissent passer. » Je lis encore dans ces lettres que « le fauxbourg avoit esté ruiné par les guerres, réduit en terres labourables ; et, ayant commencé à se restablir sous François Ier, qui l’avoit ainsi permis, il estoit un des plus beaux fauxbourgs des villes de France. Sur quoy, requeste estant présentée à la ville, est ordonnée l’ouverture de la dite porte[1]. »

Ce fut par cette porte de Nesle qu’Henri IV pénétra dans Paris, après avoir assiégé ce côté de la ville, en 1589. — Elle existait encore sous le règne de Louis XIV.

Quant à la tour, située à quelques toises et au nord de la porte, sur la pointe de terre que formait le fossé en se réunissant à la Seine, la rivière en baignait le pied. De forme circulaire, elle avait cent vingt pieds de hauteur environ, et dominait le comble de la galerie du Louvre. Elle était accouplée à une seconde tour contenant l’escalier à vis, moins forte en diamètre, mais plus haute encore. À les voir, on eût dit deux sœurs dont l’une avait en partage la force et la maturité de l’âge, l’autre la légèreté et les grâces de la jeunesse. Plus élancée, plus svelte, celle-ci avait l’œil au guet ; plus consistante et plus posée, celle-là se confiait en sa force, et attendait. Réunies toutes deux à la porte voisine, par un mur leur allié, elles formaient à elles trois un ensemble qui se présentait au sud-ouest, et se continuait par une suite de remparts dont plusieurs autres ouvrages complétaient la défense.

En face d’elles, sur la rive opposée, s’élevait le Louvre, et, à l’angle du Louvre et de la muraille de Paris, une tour pareille à elles, et qu’on appelait la tour du Coin. Dans les temps de danger, une chaîne de fer, dont une extrémité était fixée à la tour de Nesle, traversait la Seine, et, soutenue de loin en loin par des bateaux, allait se rattacher à la tour du Coin, et fermait, de ce côté de la rivière, l’entrée de la ville de Paris.

  1. Histoire de Paris, par Félibien, tome III des Preuves, page 378, collect. B.