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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Suivait ma lettre.

J’avoue que l’insertion de cette lettre m’étonna : elle était au moins maladroite, puisqu’elle faisait à M. Gaillardet un adversaire d’un homme qui voulait rester neutre.

Il ne m’était plus possible de me taire ; les journaux, toujours assez malveillants pour moi, commençaient à m’attaquer, et j’avais eu, la veille, avec M. Viennot du Corsaire, dans les bureaux mêmes du journal, une querelle qui faillit finir par un duel.

Au reste, je sentais vaguement qu’il y avait, au bout de tout cela, un coup d’épée ou de pistolet à donner ou à recevoir.

Et, après tous les déboires que m’avait valus l’ouvrage, j’aimais autant que ce fût avec M. Gaillardet qu’avec un autre.

Ajoutez à cela que, depuis mon attaque de choléra, j’étais d’une faiblesse extrême, que je ne mangeais plus, et que j’étais pris, tous les soirs, d’une fièvre qui me rendait d’exécrable humeur.

Je pris donc la plume, et, sous l’impression désagréable que je venais d’éprouver, à la reproduction de ma lettre, je répondis :

À M. le Rédacteur en chef du journal le…

« Permettez-moi d’abord de vous remercier, monsieur, de l’insertion de la lettre que j’avais écrite à M. Gaillardet, reproduite dans votre numéro d’hier.

» Elle sera une preuve, vis-à-vis du public, de la délicatesse que j’avais désiré mettre dans mes relations avec ce jeune homme ; mais cette délicatesse, ce me semble, a été bien mal appréciée ; au reste, les deux seules conversations que j’ai eues avec lui m’ont prouvé qu’il ne pouvait pas la comprendre[1].

  1. Je suis obligé, pour ne pas altérer la fidélité des textes, de reproduire les lettres dans leur intégralité ; seulement, aujourd’hui, je désapprouve tout ce que les miennes peuvent contenir de blessant.