— Qu’est-ce ? demanda-t-il.
— Je ne sais pas, monsieur, répondit le domestique ; c’est un homme qui apporte un papier timbré.
— Un papier timbré ?… Voilà du nouveau ! Montrez-moi cela.
L’homme était un huissier qui venait au nom de M. Gaillardet, et qui, comme Aman pour Mardochée, servait de héraut à sa gloire.
Le papier timbré était une assignation devant le tribunal de commerce, pour que M. Harel eût à enlever les malencontreuses étoiles.
— Bon ! m’écriai-je, voilà notre affaire ! je vais en trouver autant en rentrant chez moi… Que vous êtes bête d’avoir tant d’esprit, vous, allez !
Harel se frottait les mains, que toutes ses articulations en craquaient.
— Bon procès ! dit-il, bon procès ! j’en demande deux pareils par an, pendant six ans, et ma fortune est faite !
— Mais vous le perdrez !
— Je le sais bien.
— C’est donc un mauvais procès, alors.
— D’abord, vous saurez que ce n’est point une preuve qu’un procès soit mauvais parce qu’on le perd ; puis, si je le perds, j’en appellerai.
— Mais vous le perdrez en appel, puisque je vous dis que je serai contre vous.
— Vous ne direz pas que vous n’êtes pas de la pièce, je suppose.
— Je dirai que je ne devais pas être nommé.
— En attendant, vous le serez au tribunal de commerce, au tribunal d’appel ; vous le serez par l’avocat de M. Gaillardet, vous le serez par le vôtre ; les journaux répéteront les plaidoyers, les trois étoiles auront fait du bruit devant le nom, les trois étoiles en feront après ; les manuscrits seront communiqués : celui de M. Gaillardet, celui de Janin, le vôtre… Mon cher, je ne comptais que sur cent représentations ; aujourd’hui, je parie pour deux cents.