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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

comique terrible ; le neuvième, qui pouvait, comme épouvante dramatique, être comparé au second. Quelque chose y rappelait la fatalité antique de Sophocle, mêlée à la terreur scénique de Shakspeare. Aussi le succès fut-il immense, et le nom de M. Frédéric Gaillardet proclamé au milieu des applaudissements.

Madame Odilon Barrot était ravie ; elle s’était amusée comme une pensionnaire.

Odilon Barrot, peu familiarisé avec les théâtres de drame, était stupéfait que l’émotion pût être poussée jusque-là.

Il va sans dire que, comme pour Richard Darlington, Harel était venu me faire toute sorte d’offres si je consentais à me nommer.

J’avais refusé pour Richard, où rien ne m’engageait ; je refusai bien autrement pour la Tour de Nesle, où j’étais à la fois retenu par une promesse d’honneur et par une promesse écrite.

Je rentrai chez moi, je le jure, sans un seul sentiment de regret. C’était, cependant, la première représentation d’une pièce qui devait tenir l’affiche près de huit cent fois !

Le lendemain, quelques-uns de mes amis qui connaissaient la part que j’avais prise à la Tour de Nesle vinrent pour me faire leurs compliments. Au nombre de ces amis, était un de mes meilleurs, Pierre Collin.

— Tu sais ce qu’Harel a fait ? me dit-il en entrant.

— Ce qu’il a fait ?

— Sur l’affiche ?

— Non.

— Au lieu de procéder, comme cela se fait en mathématiques, du connu à l’inconnu, il a procédé de l’inconnu au connu.

— Je ne comprends pas.

— Au lieu de mettre : « MM. Gaillardet et ***, » il a mis : « MM. *** et Gaillardet. »

— Ah ! le malheureux ! m’écriai-je, il va me faire une nou-