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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Le quatrième tableau ne valait guère mieux que le troisième ; c’était celui où Buridan et Marguerite se rencontraient à la taverne d’Orsini, et où Marguerite déchirait dans les tablettes confiées à son amant la fameuse page qui constatait le meurtre. La scène principale était invraisemblable ; je l’avais recommencée trois ou quatre fois avant de la réussir. Ajoutons que je n’en ai jamais été content ; Georges, qui, de son côté, la sentait fausse, la jouait moins bien que les autres.

Au reste, le public était pris, et dans cette situation d’esprit où il accepte tout.

Le cinquième tableau était court, spirituel, nerveux et plein de surprises. L’arrestation et la sortie de Buridan firent le plus grand effet.

Enfin, arrivait le fameux acte de la prison.

Un jour, mon fils me demandait, — il n’avait pas encore fait de pièces à cette époque :

— Quels sont les premiers principes d’un drame ?

— Que le premier acte soit clair, que le dernier soit court, et surtout pas de prison au troisième !

Quand je disais cela, j’étais ingrat : jamais je n’ai vu d’effet pareil à cet acte de la prison, merveilleusement joué, d’ailleurs, par les deux acteurs entre lesquels il se passe, et qui en portent tout le poids.

Serres (Landry) y fut charmant de verve naïve. Bocage, avec ses grands yeux siciliens, ses dents blanches comme des perles, sa barbe noire, était d’une beauté physique à laquelle j’ai vu atteindre un seul homme, peut-être : Mélingue, un des plus beaux acteurs que j’aie vus sous le costume.

Après le tableau de la prison, les autres pouvaient indifféremment être bons ou mauvais : le succès était décidé.

Ce n’était pas malheureux ! le septième tableau, avec le troisième, était le plus faible de l’ouvrage ; il se sauva par l’esprit, et parce que, au bout du compte, les spectateurs trouvèrent, comme Harel, que le roi Louis le Hutin était un drôle de corps.

Enfin, venait le cinquième acte, qui avait tant épouvanté Harel. Il était divisé en deux tableaux : le huitième, d’un