« … Je pars, et, avant de descendre chez moi, j’entre en habit de voyage chez M. Harel.
» — Je suis un homme ruiné ! me dit-il. Je vous ai trompé, c’est vrai. Maintenant, qu’allez-vous faire ?
» — Arrêter la pièce.
» — Vous n’y parviendrez pas ; j’en change le titre, et je la joue ; vous m’attaquez en contrefaçon, vol, plagiat, tout ce que vous voudrez. Vous obtiendrez douze cents francs de dommages-intérêts. Si vous laissez jouer, au contraire, vous gagnerez douze mille francs, etc., etc.
» Il disait vrai, car telle est d’ordinaire la protection que nos juges accordent à l’écrivain qu’on dépouille… »
Si je me le rappelle bien, ce fut sur ces entrefaites que j’arrivai. Les dispositions étaient violentes de part et d’autre ; aussi l’explication fut-elle violente.
Nous faillîmes sortir de chez Harel pour aller chercher chacun nos témoins.
Harel intervint, nous calma, et amena M. Gaillardet à signer une transaction par laquelle nous nous reconnûmes de part et d’autre auteurs en commun de la Tour de Nesle. Nous nous réservions de la mettre chacun à notre nom seul dans nos œuvres complètes. La pièce devait être jouée et imprimée sous le nom seul de M. Gaillardet ; mais Harel insista pour que son nom fût suivi d’étoiles.
Cet accord signé, les répétitions continuèrent sans encombre.
Au reste, au fur et à mesure qu’elle se débrouillait, la pièce prenait des proportions gigantesques, et je commençais à croire, comme Harel, que ce serait un grand succès.
Les rôles de Marguerite et de Buridan étaient bien réellement faits pour Georges et pour Bocage ; tous deux y étaient magnifiques. — Lockroy, qui, par amitié pour moi, jouait le bout de rôle de Gaultier d’Aulnay, y était ravissant de jeunesse, d’amour et de poésie ; Provost (dans Savoisy), Serres (dans Landry), Delafosse (dans Philippe d’Aulnay), complétaient l’ensemble.
Le jour de la représentation arriva : c’était le 29 mai 1832 ;