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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Cela trouvé, je ne m’inquiétai plus du reste. J’écrivis à Harel que j’étais tout à lui pour la Tour de Nesle, et le priai de venir me trouver afin de régler les conditions auxquelles ce nouveau drame serait fait.

Il faut que j’explique au public ce que j’entendais par régler les conditions.

Je désirais, puisque Janin se retirait loyalement — plus que loyalement, généreusement, — de la collaboration, je désirais que M. Gaillardet, qui avait un instant abandonné sa moitié à Janin, rentrât dans sa moitié.

Voici quels étaient à cette époque, à moins de traité particulier, les droits d’auteur au théâtre de la Porte-Saint-Martin, auquel le drame de M. Gaillardet était destiné : quarante-huit francs de droits d’auteur, et vingt-quatre francs de billets par soirée.

Vingt-quatre francs de droits et douze francs de billets avaient, en conséquence, été concédés à Janin.

Janin, nous l’avons dit, rendait sa part ; je désirais que cette part fit retour à M. Gaillardet, et que mon droit, à moi, fût établi en dehors, et comme si j’étais complètement étranger à l’ouvrage.

Je mettais aussi, comme condition sine quâ non, de ne pas me nommer.

Il avait été convenu, dans le traité avec Janin, que Janin se nommerait.

Harel ne fit aucune difficulté de m’accorder ce traité à part ; c’était celui de Christine : dix pour cent sur la recette, et trente-six ou quarante francs de billets, je crois.

Il n’y avait rien à dire, puisque le droit était proportionnel ; — faisait-on de l’argent, j’en gagnais ; n’en faisait-on pas, je ne pesais sur la recette que dans de légères proportions.

Or, remarquez bien que, à cette époque de choléra, les grandes recettes étaient de deux ou trois cents francs. L’Odéon joua une fois pour un spectateur qui refusa de reprendre son argent, exigea que l’on jouât pour lui, et siffla. Mais, en sifflant, le malheureux avait donné une arme contre lui : le directeur fit venir un commissaire de police, qui, sous pré-