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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Quand voulez-vous que je revienne ?

— Revenez demain.

— À quelle heure ?

— Vers midi.

— À demain midi ; reposez-vous d’ici là.

— Je tâcherai… Adieu.

— Adieu.

Il me donna la main.

— Prenez garde ! vous avez une fièvre de cheval.

— C’est bien là-dessus que je compte. Mille tendresses à Georges ; qu’elle soit tranquille : s’il y a un rôle pour elle, il faudra bien qu’il vienne ou qu’il dise pourquoi.

— Vous n’avez pas autre chose à lui faire dire ?

— Que je l’aime de tout mon cœur, c’est tout.

Et Verteuil sortit, me laissant seul avec la fièvre et la copie du manuscrit de Janin.

Encore une fois, je le répète, — et ces quelques lignes, c’est à M. Frédéric Gaillardet que je les adresse, — Dieu me garde, après vingt et un ans écoulés, d’avoir l’apparence d’une intention hostile pour un homme qui m’a fait l’honneur de risquer sa vie contre la mienne, et d’échanger avec moi un coup de pistolet ; mais je dois, selon ma franchise accoutumée, raconter les choses comme elles se sont passées, bien certain que, s’il le fallait, aujourd’hui encore, les souvenirs de Bocage, de Georges, de Janin, de Verteuil seraient d’accord avec les miens.

Cette déclaration faite, je reprends mon récit.

Resté seul, je commençai la lecture du manuscrit.

La pièce débutait par le second tableau, c’est-à-dire par le monologue d’Orsini. — Au reste, à peu de chose près, ce second tableau, alors le premier, resta ce qu’il était.

Il n’y avait, comme me l’avait dit Verteuil, et comme je le reconnus plus tard moi-même, entre le manuscrit de M. Gaillardet et celui de Janin d’autre différence que le style. Janin, on le sait, sous ce rapport, est un maître devant lequel les petits s’inclinent, et que les grands saluent.

Cependant, une tirade entière, la plus brillante peut-être