Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

« Mon cher Dumas,

» Il y a si longtemps que ma représentation traîne, que je veux en finir d’une façon ou de l’autre.

» Faites donc toujours la pièce, je vous en supplie ; elle ira quand elle ira.

» Toute à vous.
« Dupont. »

Je me remis donc au Mari de la veuve.

Comme je l’avais promis, la pièce fut faite en vingt-quatre heures.

Le rôle principal plut à mademoiselle Mars, qui l’accepta.

Sa présence dans une pièce était une garantie de rapidité.

En effet, nous avons déjà dit quelle était la probité de mademoiselle Mars à l’endroit du théâtre et des auteurs. Elle vint exactement aux répétitions, malgré le choléra, et me fit enrager pour une pièce en un acte comme elle eût pu le faire pour une pièce en cinq actes. Chaque jour, elle trouvait quelque chose à corriger ; j’emportais la pièce, et je faisais la correction chez moi.

Voilà comment le Mari de la veuve fut fait, avec cette perspective funèbre dont je vous parlais tout à l’heure.

La pièce, d’ailleurs, était adorablement montée : les cinq rôles qu’elle comporte étaient remplis par mademoiselle Mars, Monrose, Anaïs, Menjaud et mademoiselle Dupont.

Au jour dit, la pièce passa. Le choléra nous avait fait une rude concurrence ; il n’y avait pas cinq cents personnes dans la salle.

La pièce eut un succès médiocre, et attrapa même un coup de sifflet.

Menjaud, après avoir reçu une averse, rentrait, en se secouant, au château.

« — Quel temps ! disait-il, me voilà trempé comme du vin de collège ! »

Un spectateur siffla ; un maître de pension, sans doute.

Le mot, au reste, n’était pas de moi ; je l’avais entendu dire