— Et vous croyez que, d’ici là, la pièce pourra être écrite, lue, distribuée, apprise et jouée ?
— J’en fais mon affaire.
— Bon !
— Un jour pour écrire la pièce, un jour pour la recopier, un jour pour la lire ; il restera encore sept jours pour les répétitions ; c’est du luxe !
Eugène Durieu reconnut la justesse du calcul, et me vida son sac.
Nous nous arrêtâmes au sujet du Mari de la veuve ; mais le plan était loin d’être fait.
— Écoutez ! dis-je à Durieu, il est midi ; j’ai affaire jusqu’à cinq heures. Anicet Bourgeois désire avoir ses entrées au Théâtre-Français ; pourquoi ? je n’en sais rien : un caprice ! Allez le trouver de ma part ; débrouillez avec lui le scénario ; revenez ensemble à quatre heures et demie, nous dînerons. Dans la soirée, nous ferons le numérotage des scènes ; je pourrai me mettre à la pièce cette nuit ou demain matin, et, en tout cas, à quelque heure que je m’y mette, vingt-quatre heures après celle où je m’y serai mis, elle sera finie.
Durieu partit tout courant. Je rentrai à cinq heures, comme j’avais dit, et trouvai mes deux collaborateurs à la besogne. Le terrain n’était pas encore déblayé : je vins à la rescousse.
Ils me quittèrent à minuit, me laissant un numérotage de scènes à peu près complet.
Le lendemain, ainsi que je m’y étais engagé, je me mis à l’œuvre.
J’en étais à ma troisième ou quatrième scène, quand la femme de chambre entra tout effarée, et pâle comme une morte.
— Ah ! monsieur ! monsieur ! monsieur ! dit-elle.
— Eh bien, qu’y a-t-il, Catherine ?
— Ah ! monsieur, il y a… Mon Dieu ! mon Dieu !
— Après ?
— Il y a que le choléra… Ah ! monsieur, j’ai des crampes !
— Le choléra est à Paris ?
— Oui, monsieur, il y est, le gredin !