Page:Dumas - Mes mémoires, tome 9.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

veille même du 29 mars, jour où devait éclater le choléra, — elle se présenta chez moi.

Tout était prêt pour sa représentation à bénéfice ; elle venait seulement me demander pour elle une scène épisodique.

Nous étions au samedi, je crois ; la représentation devait avoir lieu le mardi ou le mercredi suivant. Il n’y avait pas de temps à perdre.

Je suis stupide à l’endroit des choses d’à-propos ; et cependant, comment refuser à la charmante soubrette une demande de si peu d’importance ?

— Remettez la représentation à samedi, lui dis-je, et, au lieu d’une scène, je vous ferai une comédie en un acte.

— Vous y engagez-vous ?

— D’honneur !

— Je vais voir si c’est possible, et, dans une heure, je suis ici.

Vingt minutes après, je recevais de mademoiselle Dupont un billet qui m’annonçait qu’elle avait obtenu un sursis de douze jours, et qui m’invitait à faire dans la pièce un rôle pour mademoiselle Mars.

J’étais à peu près brouillé avec mademoiselle Mars, depuis Antony, et elle n’était pas fâchée de se raccommoder avec moi.

J’avais un ami, homme d’infiniment d’esprit, chef ou sous-chef de bureau au ministère de l’intérieur ; — cet ami s’est même fait un nom depuis dans l’administration. Il s’appelait et, par bonheur, s’appelle encore Eugène Durieu.

Deux où trois fois, depuis un an, je l’avais rencontré, et, chaque fois, il m’avait raconté quelque sujet de pièce, tantôt en un acte, tantôt en deux actes, tantôt en trois actes. Jamais, cependant, je ne sais pourquoi, nous n’avions rien arrêté.

Je lui écrivis ; il accourut.

— Passons la revue de vos sujets, lui dis-je ; j’ai besoin d’une pièce en un acte pour la représentation à bénéfice de mademoiselle Dupont.

— Êtes-vous fou ? elle est affichée pour mardi prochain !

— Elle est retardée de huit jours.