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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

les boutiques des bouchers et vous engager à prévenir les habitants contre des attentats qu’ils ont personnellement un puissant intérêt à prévenir.

» Si des tentatives aussi audacieuses venaient à se réaliser, je n’ai pas besoin de vous dire combien il importerait de saisir les coupables, et de les mettre sous la main de la justice. C’est une tâche dans laquelle vous serez secondé par tous les amis de l’ordre et tous les honnêtes gens.

» Recevez etc.
» Gisquet. »

Une heure après l’apparition d’une pareille circulaire, on eût dû mettre le préfet de police en accusation.

On n’en fit rien.

M. Gisquet répondait à une stupidité par une calomnie.

Ce n’étaient plus les agents du gouvernement qui empoisonnaient les fontaines et les brocs des marchands de vin, pour décimer la population, et détourner l’attention des affaires politiques : — c’étaient les républicains qui jetaient des fioles de poison sur les étals des bouchers, pour dépopulariser le gouvernement de Louis-Philippe !

Ou pouvait comprendre la première accusation : elle venait de l’ignorance ; mais la seconde ! la seconde, qui venait de l’autorité, et de quelle autorité ! de celle qui devait être la mieux instruite sur ces sortes d’affaires !

Le peuple ne demandait qu’à ne pas croire à la présence de la peste : cet ennemi invisible qui frappait du sein des nuées l’irritait par son invisibilité.

Il se refusait à croire que l’on mourût d’un empoisonnement aérien, par un ciel si pur, avec un soleil si radieux.

Une cause matérielle, visible, palpable faisait bien mieux son affaire ; — sur cette cause, au moins, il pouvait se venger.

Des placards contenant à peu près les mêmes accusations avaient été affichés.

Le même jour, des rassemblements eurent lieu autour des placards ; puis on se porta aux barrières.