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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Les sœurs de charité étaient des saintes, parfois des martyres.

Les bruits les plus étranges couraient, venant on ne savait d’où, et étaient répétés par le peuple avec des imprécations et des menaces.

On disait que c’était le gouvernement qui, pour se débarrasser d’un surcroît de population encombrant Paris, faisait jeter du poison dans les fontaines et dans les brocs des marchands de vin. Paris, semblait atteint de folie ; ceux-là mêmes à qui leur fonction faisait un devoir de le rassurer l’épouvantaient.

Le 2 avril, le préfet de police, M. Gisquet, adressait aux commissaires de police la circulaire suivante :

« Monsieur le commissaire,

» L’apparition du choléra-morbus dans la capitale, source de vives inquiétudes et d’une douleur réelle pour tous les bons citoyens, a fourni aux éternels ennemis de l’ordre une nouvelle occasion de répandre parmi la population d’infâmes calomnies contre le gouvernement : ils ont osé dire que le choléra n’était autre chose que l’empoisonnement effectué par les agents de l’autorité pour diminuer la population, et détourner l’attention générale des questions politiques.

» Je suis informé que, pour accréditer ces atroces suppositions, des misérables ont conçu le projet de parcourir les cabarets et les étals de boucherie avec des fioles et des paquets de poison, soit pour en jeter dans les fontaines ou les brocs, ou sur la viande, soit simplement pour en faire le simulacre, et se faire arrêter en flagrant délit par des complices qui, après les avoir signalés comme attachés à la police, favoriseraient leur évasion, et mettraient ensuite tout en œuvre pour démontrer la réalité de l’odieuse accusation portée contre l’autorité.

» Il me suffira, monsieur, de vous signaler de pareils desseins pour vous faire sentir la nécessité de redoubler de surveillance sur les établissements de marchands de liquides et