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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

pour ne pas aller jusqu’au bout, pour rouler son manuscrit, tirer sa révérence, et sortir !

Mais point ! — malgré le service que l’auteur rendrait à son auditoire, l’auteur est condamné à lire ; l’auditoire, à entendre. Il faut aller jusqu’au bout ! il faut descendre, marche à marche, l’escalier de ce sépulcre, plus froid que l’escalier de la mort !

C’était, je le répète, la première fois que la chose m’arrivait ; juste punition de mon orgueil !

Je me levai immédiatement après le dernier hémistiche, et je sortis, laissant Édith aux longs cheveux sur la table du comité.

Je sentais que, cette fois, ce n’était point un narcotique qu’elle avait pris, comme Juliette, mais que c’était un bel et bon poison qu’elle avait avalé, comme Roméo.

Cependant je n’eus pas le courage de sortir sans avoir une réponse.

Cette réponse, je l’attendis dans le cabinet du régisseur.

Ce fut mademoiselle Mars en personne qui me l’apporta.

Pauvre mademoiselle Mars ! elle avait l’air funèbre ; on eût dit qu’elle revenait du convoi d’Ethelwood, après avoir été la veille à celui d’Édith. Elle employait toute sorte de circonlocutions pour m’annoncer que le comité ne trouvait pas ma pièce jouable.

Selon elle, il n’y avait là qu’une moitié de pièce.

« Que devenait Édith après avoir jeté la clef dans le gouffre ? que devenait Ethelwood, enfermé dans ce tombeau ? que devenait la sœur du roi, amoureuse de ce mort vivant ?

» Était-il possible que la Providence vît un pareil crime sans s’en mêler ? que la justice divine entendit porter une pareille plainte devant elle, et rendit une ordonnance de non-lieu ? Il y avait certainement une suite à souder à ce commencement, une seconde partie à accrocher à cette première partie.

» N’y avait-il pas moyen d’utiliser cette sœur du roi ? ne pouvait-elle pas représenter le dévouement, comme Édith représentait l’ingratitude ? ne pouvait-elle pas, de même que