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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

peuple comme d’un manteau de pourpre, se grandissant de la bassesse de ce qui l’entoure, il lui arrive de murmurer tout bas :

— Si je devenais reine !…

En ce moment, Ethelwood rentre.

Sa résolution est prise, et Édith va la connaître. Il demande une plume, du papier et de l’encre.

C’est son testament de mort qu’il écrit.

— Vas-tu donc mourir ? demande Édith.

— Non ; mais je vais enfin te rendre ce que tu as fait pour moi. Je ne t’ai versé que la moitié de la liqueur contenue dans le flacon ; le reste était pour moi, au cas où cette liqueur, au lieu d’être un narcotique, eût été un poison.

— Eh bien ?

— Eh bien, le reste de la liqueur contenue dans le flacon, je l’ai bu.

Édith pâlit ; elle commence à comprendre.

Ce parchemin où Ethelwood a rapidement tracé quelques lignes, il dira à tous que, contre la colère du roi, le comte a cherché un refuge dans la mort.

Comme Édith a été déposée dans son tombeau, Ethelwood sera déposé dans le sien ; mais, comme il veillait sur elle, elle, à son tour, veillera sur lui ; comme il avait la clef de la mort, elle aura la clef de la vie.

Édith repousse cette idée ; elle mesure sa faiblesse, elle pressent son ambition, mais il est trop tard : Ethelwood, en quittant le roi, a pris le narcotique. Il chancelle, il pâlit, il se laisse aller entre les bras d’Édith en lui remettant la clef du tombeau, et en lui disant :

— À demain !

Le lendemain, au lieu de rouvrir à son amant les portes de la vie, Édith vient rapporter au roi sa bague de fiançailles. Le roi croit d’abord voir l’ombre de celle qu’il a aimée ; puis, peu à peu, il se rassure ; il touche, joyeux, cette main tiède et vivante, qu’il a touchée morte et glacée ; il renouvelle à Édith pleine de vie les offres qu’il avait faites à Édith couchée sur le tombeau. La jeune fille était venue chercher le vertige ; elle