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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

offrir une diversion à sa douleur ; il passera sur le continent. Mais il a besoin qu’une main ferme et sûre gouverne ses États en son absence ; il a pensé à Ethelwood ; Ethelwood sera régent, et, pour le récompenser de son dévouement, bien plus que pour l’attacher aux intérêts du royaume, — sûr comme il l’est de sa loyauté, — il lui donnera sa sœur pour femme.

Ethelwood essaye de repousser ce double honneur : la princesse Éléonor, — je crois qu’elle s’appelait Éléonor, je n’en suis pas bien sûr ; mais le nom de la princesse ne fait rien à la chose : en argot de théâtre, cela s’appelle la princesse Bouche-Trou ; — la princesse Éléonor ne l’aime pas, objecte-t-il. Ethelwood se trompe, la princesse Éléonor l’aime.

Ethelwood refuse tout.

Ce refus étonne d’abord le roi, puis l’irrite… Une querelle s’allume entre le sujet et le roi.

Le sujet porte la main à la garde de son épée.

Dès lors, il a tout encouru, confiscation, dégradation, mort sur l’échafaud.

Ethelwood sera pauvre, Ethelwood renoncera à la noblesse, Ethelwood bravera la mort, mais il n’épousera pas une autre femme qu’Édith.

Le roi sort, défendant à Ethelwood de le suivre : mais Ethelwood est l’hôte du roi ; il doit le reconduire jusqu’à la porte du château ; il doit lui tenir l’étrier ; il doit lui présenter le genou pour monter à cheval.

À peine le roi est-il sorti, et le comte a-t-il disparu derrière lui, qu’une épaisse tapisserie se soulève, et qu’Édith entre en scène.

Elle n’a rien vu, sinon que le roi est jeune et beau : elle n’a rien entendu, sinon qu’il l’aime. Le dévouement d’Ethelwood, son refus d’épouser la sœur du roi, le danger qu’il court, tout cela a glissé sur son cœur comme un souffle sur un miroir.

Elle va à la fenêtre.

Ethelwood, à genoux, présente l’étrier au roi.

Dans ce qui, aux yeux de la noblesse, est un honneur, Édith ne voit, elle, qu’une honte ; et, en regardant ce roi, tout couvert d’or et de pierreries, enveloppé des hommages d’un