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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

mort supposée, qui la déliait des entraves de la terre, elle pouvait épouser son amant.

Cela ressemblait bien un peu à Roméo et Juliette ; mais quelle est ici-bas l’idée qui ne ressemble pas peu ou prou à une autre idée ?

Vous remarquerez qu’il y avait déjà bien longtemps que j’avais ce diable de drame dans la tête ; car je l’avais, au mois d’août 1830, proposé à Harel, au lieu et place de Napoléon, qu’à toute force je ne voulais pas faire.

On a vu comment Harel combattit et vainquit ma résistance.

Quant à Édith aux longs cheveux, il l’avait refusée net, et vous allez voir tout à l’heure qu’il n’avait pas si mal fait.

Voici ce que c’était qu’Édith aux longs cheveux ; vous la reconnaîtrez sous un autre nom, vêtue d’une autre manière, et, au lieu de marcher en cinq actes, traînant derrière elle une queue de huit tableaux.

Une jeune fille abandonnée vit dans une espèce d’Éden, au milieu des ombrages verts, des oiseaux chantants et des fleurs ; une rivière coule, rongeant un des angles de son jardin, et sur cette rivière, comme sur l’Arno ou sur le canal de la Brenta, passent de beaux jeunes gens qui lui font rêver l’amour, de beaux gentilshommes qui lui font rêver l’ambition.

Un de ces gentilshommes l’aperçoit, s’arrête devant la gracieuse apparition, pénètre dans ce qu’il croit un palais de fée, et trouve une jeune fille qui lui semble la sœur des oiseaux et des fleurs au milieu desquels elle vit ; comme eux, elle chante ; comme elles, elle est blanche, rose et parfumée.

Il aime Édith.

Quant à Édith, elle n’aime rien, que la cour, les bals, les fêtes, la souveraine puissance.

Ethelwood est le favori du roi ; elle se laissera aimer par Ethehvood, en attendant.

Édith est une de ces femmes blanches comme le marbre, froides et sans cœur comme lui ; une statue de courtisane antique retrouvée dans les fouilles de Pompéi, et qui s’est