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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Si vite que j’eusse caché mon abbé Gauthier, corrigé par M. de Moyencourt, Delanoue vit le mouvement.

— Que lisais-tu donc là ? me demanda-t-il.

— Rien.

— Comment, rien ? Tu tenais un livre !

— Oh ! un livre… oui.

Sans doute crut-il que c’était un livre obscène, et que je voulais le lui cacher.

Il insista de telle façon, qu’il n’y avait pas moyen de résister.

— Tiens, lui dis-je, un peu humilié d’être surpris dans une lecture élémentaire, c’est une histoire de France.

— Bon ! l’histoire de l’abbé Gauthier… Connu !

Et, sans avoir besoin de jeter le moins du monde les yeux sur le livre :

— Neuf cent quatre vingt-sept voit Capet sur le trône.
Ses fils ont huit cents ans conservé la couronne !

dit-il.

— Oh ! tu sais cela par cœur ?

— C’est le pendant des Racines grecques.

O, se doit compter pour septante ;
Οβελος, a broche tournante.

Delanoue prenait à mes yeux, comme instruction, des proportions fantastiques.

— Comment, tu ne connais pas l’Histoire de France, par l’abbé Gauthier, et le Jardin des Racines grecques, par M. Lancelot ?

— le ne connais rien, mon cher ?

— Ça doit bien te faire rire.

— Mais pas trop.

— Alors, pourquoi lis-tu cela ?

— C’est que je voudrais avoir des notes précises sur tes premiers siècles de notre histoire.

— Et tu cherches cela dans l’abbé Gauthier ?