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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

l’hôtel de l’Empereur Joseph II, et où l’on servait des dîners pas très-mauvais, ma foi ! à six sous le plat.

L’ambition de M. Buloz était d’avoir une Revue ; j’eus le bonheur de l’aider dans cette ambition, je crois avoir déjà dit comment ; qu’on m’excuse si je me répète.

M. Ribing de Leuven avait un journal qui marchait assez mal, un journal de luxe, comme les gens riches ou à fantaisies en ont pour se ruiner ; — on l’appelait le Journal des Voyages.

Adolphe et moi décidâmes M. de Leuven à vendre ce journal à Buloz.

Buloz, Bocage, Bonnaire, et je crois même Bixio, réunirent quelques fonds, et devinrent propriétaires du susdit journal, qui prit le titre de Revue des Deux Mondes.

Cela se passait en 1830 ou 1831.

Nous nous mîmes tous à travailler de notre mieux à ce journal, que nous regardions comme un enfant couvé en commun, et que nous aimions d’un amour paternel.

Le premier lait que je lui donnai à sucer, pour mon compte fut un Voyage en Vendée qu’on a retrouvé en partie dans mes Mémoires.

Puis voici ce qui m’arriva :

J’ai dit ma profonde ignorance historique, j’ai dit mon grand désir d’apprendre ; j’entendais fort parler du duc de Bourgogne je lus l’Histoire des ducs de Bourgogne, de Barante.

Pour la première fois, un historien français laissait à la chronique tout son pittoresque, à la légende toute sa naïveté.

L’œuvre commencée par les romans de Walter Scott s’acheva dans mon esprit. Je ne me sentais pas encore la force de faire un roman tout entier ; mais il se produisait alors un genre de littérature qui tenait le milieu entre le roman et le drame, qui avait quelque chose de l’intérêt de l’un, beaucoup du saisissant de l’autre, où le dialogue alternait avec le récit ; on appelait ce genre de littérature : scènes historiques.

Avec mon aptitude déjà bien décidée au théâtre, je me mis