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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Pas plus tard qu’aujourd’hui.

— Allez ! seulement, prévenez-moi du refus, aussitôt que vous en serez prévenu vous-même.

— À quoi bon ?

— Qui sait ? peut-être alors aurai-je une idée.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas tout de suite ?

— Ah ! mon cher, les idées sont des demoiselles fort capricieuses qui ne se laissent prendre qu’à leur fantaisie, et la fantaisie de mon idée est de ne se produire qu’après le refus de la censure grand-ducale.

— Allons, il faut bien en passer par les caprices de votre idée.

Et Doligny s’en alla, désespéré du refus probable qui le menaçait, et, cependant, ayant quelque espoir dans l’idée qui devait naître de ce refus.

Trois jours après, je le revis. Grâce à la protection de l’ambassadeur Belloc, un charmant homme, le refus ne s’était fait attendre que trois jours.

— C’était une grande faveur : il pouvait se faire attendre un mois, six semaines… toujours !

— Eh bien ? dis-je en apercevant Doligny.

— Eh bien, ça y est.

— Refusé ?

— Refusé.

— Quelles pièces aviez-vous envoyées ?

Richard Darlington, Antony, Angèle, la Tour de Nesle.

— Peste ! vous n’y avez pas été de main morte ! les quatre, pièces les plus immorales d’un auteur immoral.

— Croyez-vous que, si j’en envoyais d’autres ?…

— Inutile.

— Alors, il ne me reste plus qu’à utiliser votre idée !

— Vous tenez particulièrement à ces quatre pièces ?

— Je crois que ce sont celles qui font le plus d’effet. Cependant, si vous croyez que vous obteniez plus facilement le visa pour d’autres…

— Oh ! cela ne fait rien.

— Comment, cela ne fait rien ?