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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

— Hein ?…

Je répétai la demande. Scribe répondit comme il avait été attaqué, en riant.

Relisez l’ouvrage, et vous verrez qu’il lui eût été difficile de répondre autrement[1].

Le fait, est que, s’il y eût eu une censure en 1832, le talent de mon confrère Scribe, que plus que personne j’apprécie, retenu par un frein salutaire, n’eût point donné aux âmes timorées le spectacle d’une pièce qui est demeurée, non pas comme le modèle, mais comme l’expression la plus avancée de l’excentricité dramatique.

C’est M. Scribe qui, dans la phrase suivante, prononcée par lui devant le conseil d’État, me fournit le mot qui me manquait :

« On ne gagne pas beaucoup d’argent avec les pièces vraiment littéraires ; on réussit souvent mieux à en gagner avec des excentricités et des attaques contre la morale et le gouvernement. »

Au reste, c’est une belle chose que la réputation d’homme moral que possède mon illustre confrère, non-seulement en France, mais encore à l’étranger ; et je vais vous raconter, à ce sujet, une anecdote qui ne sera point sans charme.

J’habitais Florence depuis deux ans, sans qu’il fût venu à l’idée d’un seul directeur de spectacle de jouer de moi, homme immoral, aucune pièce, soit originale, soit traduite, sur aucun des théâtres de la ville des fleurs.

Un beau matin, tandis que j’étais encore couché, j’entends dans mon salon retentir une voix connue, et résonner un nom ami.

La voix et le nom étaient ceux de Doligny.

Vous vous rappelez que je vous ai parlé de Doligny à propos du Tompson de Richard Darlington, et que j’ai rendu toute justice à la façon distinguée dont il avait joué ce rôle.

  1. Voir, dans nos Études dramatiques, l’analyse critique de Dix Ans de la vie d’une femme.