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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

On me demandera pourquoi je mets Féréol, c’est-à-dire un chanteur, avec Picot, Horace Vernet, Léon Cogniet, Hippolyte Lecomte, c’est-à-dire avec quatre peintres ? Eh bien, c’est que de même que M. Ingres, qui est un grand peintre, a la prétention d’être un virtuose, de même Féréol, qui était un excellent comédien, avait la prétention d’être un peintre.

Hélas ! nous en connaissons d’autres que M. Ingres et que Féréol qui ont les mêmes prétentions !

Or, il arriva, un jour, que, Féréol ayant apporté une de ses compositions chez Lemétayer, Granville vit cette composition. Et Granville, dans son irrévérence pour la peinture de Féréol, se mit à redessiner cette peinture, comme Féréol eût pu se mettre à rechanter un air de M. Ingres.

Hippolyte Lecomte entra sur ces entrefaites.

Nous ne savons pas si Hippolyte Lecomte a, comme M. Ingres et comme Féréol, quelque tic en dehors de son art ; mais ce que nous savons, c’est qu’il est homme de bon sens et de bon conseil.

C’était justement ce qu’il fallait au jeune homme, qui passa de l’atelier de M. Mansion dans celui de Lecomte.

D’ailleurs, l’élève de M. Mansion conservait une vieille grippe contre son maître.

Voici à quelle occasion :

Granville, avec son charmant esprit, déjà aussi pittoresque chez l’enfant que chez l’homme, avait inventé tout un jeu de cinquante-deux cartes. Mansion trouva ce jeu si remarquable, qu’il le publia sous son nom, avec le titre de la Sibylle des salons. J’ai vu ce jeu chez Granville, un jour qu’il était de bonne humeur, et retournait le fond de ses cartons ; c’était quelque chose de fantastique.

Chez Hippolyte Lecomte, il ne s’agissait plus de dessiner, il fallait peindre.

Mais la peinture n’était pas le fait de Granville ; — le crayon, la plume, à la bonne heure ! — Granville peint comme Callot, avec une pointe d’acier. Le crayon, la plume, le style parlent si bien la langue de l’artiste, et disent si bien ce qu’il veut dire !

C’est alors qu’apparaît tout à coup la lithographie : Gran-