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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Donc, le comité du Théâtre-Français, voulant dédommager M. Arnault de la disparition subite des Guelfes, mit à l’étude le Pertinax, que l’ingrat souffleur, malgré la fameuse épître dédicatoire n’a jamais appelé que le Père Tignace.

Quel malheur, mon Dieu ! que Pertinax n’ait pas été imprimé ! comme je vous en donnerais des fragments, et comme vous comprendriez la gaieté du parterre à la première représentation de cette tragédie !

Tout ce que je me rappelle, c’est qu’au moment décisif, l’empereur Commode appelait son secrétaire.

J’avais devant moi un grand monsieur dont les larges épaules et l’épaisse chevelure m’avaient intercepté l’acteur, chaque fois que l’acteur s’était trouvé sur la même ligne que lui.

Par malheur, je n’avais pas les ciseaux de Sainte-Foix.

    miennes ; si vous voulez bien m’en donner l’assurance par une lettre, celle-ci sanctionnera l’abandon que je fais actuellement de mon tour.

    » J’ai l’honneur d’être, messieurs, votre serviteur,
    » Folchiron fils. »

    La proposition de M. Fulchiron, formulée en ces termes, fut d’abord repoussée. On lui fit sentir que le tort qu’il ne voulait pas qu’on lui fît, à lui, allait peser sur un tiers. S’il y avait renonciation de sa part, il fallait que la renonciation fût entière, et que M. Fulchiron, sorti des rangs, reprît son tour à la file. Or, reprendre son tour à la file, c’était une grande affaire. En supposant toutes les chances favorables, il y en avait pour dix ans au moins ! M. Fulchiron réfléchit peu de temps, il faut l’avouer, comparativement à la gravité du sujet ; puis : « Allons, messieurs, dit-il, je connais la tragédie des Templiers ; mieux vaut qu’elle soit représentée tout de suite, et que le tour de Pizarre ne vienne que dans dix ans. Ce fut grâce à cette condescendance, dont bien peu d’auteurs seraient capables envers un confrère, que la tragédie des Templiers fut jouée ; et, on le sait, la tragédie des Templiers fut un des triomphes littéraires de l’Empire. Les Deux Gendres et le Tyran domestique complètent la trilogie dramatique de l’époque. — Il y a tantôt dix-huit cent vingt ans que l’on rend à César ce qui appartient à César : pourquoi ne rendrait-on pas à M. Fulchiron ce qui appartient à M. Fulchiron ?