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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

se de Firnain à M. Arnault, — et la tragédie de Pertinax. La réponse n’existe plus ; la tragédie n’existe pas.

— Pourquoi Pertinax ? Qu’est-ce que Pertinax ? et que vient faire ici le successeur de Commode ?

Demandez plutôt ce qu’il allait faire au Théâtre-Français, le malheureux ! il allait y tomber sous les sifflets du parterre, après être tombé sous les épées des prétoriens.

Voici l’histoire de sa deuxième mort, le récit de sa seconde chute.

À dix-sept cents ans de distance, je ne puis pas dire grand’chose de la première ; mais, à vingt-quatre ans d’intervalle je puis raconter la seconde, à laquelle j’ai assisté.

Ces malheureux Guelfes, après s’être obstiné à y rester neuf mois, avaient enfin disparu de l’affiche. Il fallait pour M. Arnault un dédommagement au défaut de mémoire de Firmin. Le comité décida que le Pertinax du même auteur, quoiqu’il ne fût reçu que depuis onze ans, serait immédiatement mis à l’étude.

« Que depuis onze ans ! » répétez-vous, et vous croyez que je me trompe, n’est-ce pas ?

C’est vous qui vous trompez.

L’Arbogaste de M. Viennet, reçu en 1825, n’a été joué qu’en 1841 ! Le Pizarre de M. Fulchiron, reçu en 1803, n’est pas joué encore[1] !

  1. Il est vrai de dire qu’en 1805, M. Fulchiron, par un trait d’abnégation qui l’honore, céda son tour à l’auteur des Templiers, M. Raynouard. Voici la lettre qu’il écrivit à cet effet au comité d’administration de la Comédie-Française :
    « Messieurs,

    » Je viens d’apprendre que le préfet avait donné son permis aux Templiers. Désirant rendre à cet ouvrage et à son auteur toute la justice et tous les égards qu’ils méritent, je m’empresse de vous annoncer que je cède mon tour à cette tragédie ; mais je demande, en même temps, à reprendre le mien immédiatement après, de façon que la seconde tragédie qui sera jouée, à compter d’aujourd’hui, sera une des