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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Il se retira par le faubourg Saint-Clair, sous un dais de feu, à travers une grêle de balles.

L’odeur de la poudre rendit la force au vieux soldat : il se redressa sur son cheval, et se grandit sur ses étriers.

— Ah ! dit-il, voilà enfin que je respire ! je me sens mieux, ici que dans les salons de l’hôtel de ville.

Pendant ce temps, le peuple frappait aux portes de ce même hôtel de ville que lui abandonnaient le préfet et les membres de la municipalité.

Une fois à l’hôtel de ville, ce palais du peuple, le peuple sentit qu’il était le maître.

Mais à peine eut-il senti qu’il était le maître, qu’il s’effraya de son pouvoir.

Ce pouvoir fut divisé entre huit personnes : Lachapelle, Frédéric, Charpentier, Perenon, Rosset, Garnier, Dervieux et Filhol.

Les trois premiers étaient des ouvriers qui ne pensaient qu’au maintien du tarif ; les cinq autres étaient des républicains qui voyaient la question politique au delà de la question pécuniaire.

Le lendemain du jour où les huit délégués du peuple s’étaient établis en administration provisoire, les administrateurs provisoires étaient sur le point de s’égorger.

Les uns voulaient marcher hardiment dans la voie de l’insurrection ; les autres voulaient se rallier à l’autorité civile. Les derniers l’emportèrent.

On en revint à M. Bouvier-Dumolard.

Le 3 décembre, à midi, le prince royal et le maréchal Soult reprenaient possession de la seconde capitale du royaume, et y rentraient tambour battant et mèche allumée.

Les ouvriers furent désarmés, et retombèrent, pour faire face à leurs nécessités et aux besoins factices qu’ils s’étaient créés, à dix-huit sous par jour. La garde nationale fut licenciée, et la ville mise en état de siége. M. Bouvier-Dumolard fut destitué.

Que faisait le roi, pendant ce temps ?

Ses ministres préparaient, sous sa dictée, une note dans