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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

c’est qu’une patrie ! à nos ministres, leurs noms !… Il n’y a rien au-dessous.

» Ainsi donc, peuplé généreux, notre frère de foi et notre frère d’armes, lorsque tu combattais pour ta vie, nous n’avons pu t’aider que de nos vœux ; et, à présent que te voilà gisant sur l’arène, nous ne pouvons te donner que des pleurs ! Puissent-ils, au moins, te consoler un peu dans ta douleur immense ! La liberté a passé sur toi comme une ombre fugitive, et cette ombre a épouvanté tes anciens oppresseurs : ils ont cru voir la justice ! Après des jours sombres, regardant le ciel, tu as cru y découvrir des signes plus doux ; tu t’es dit : « Le temps de la délivrance approche ; cette terre qui recouvre les ossements de nos aïeux sera encore notre terre ; nous n’y entendrons plus la voix de l’étranger, nous dictant ses ordres insolents… Nos autels seront libres comme nos foyers. » Et tu te trompais, et ce n’était pas encore le temps de vivre ; c’était le temps de mourir pour tout ce qu’il y a de doux et de sacré parmi les hommes… Peuple de héros, peuple de notre amour ! repose en paix dans la tombe que le crime des uns et la lâcheté des autres t’ont creusée ; mais, ne l’oublie point, cette tombe n’est pas vide d’espérance ; sur elle, il y a une croix, une croix prophétique qui dit : « Tu revivras !… »

Convenons qu’un peuple est bien heureux d’avoir des poëtes ; s’il n’avait que des hommes d’État, la postérité prendrait souvent une étrange idée de lui.

Au reste, la chute de la Pologne entraîna la chute de l’Avenir.

Nous allons dire comment.