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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

étant son fils, a droit à sa fortune. Richard écoute avec une attention croissante ; puis, à un moment donné, le récit de lady Wilmor coïncide de telle façon avec celui de Mawbray, qu’il n’y a plus de doute pour lui : mais, au lieu de se révéler, au lieu de se jeter dans les bras de cette femme qui avoue sa honte, qui pleure, qui redemande son enfant, il s’écarte doucement d’elle, pour pouvoir se dire à demi-voix : « C’est ma mère ! » et se demander, à demi-voix toujours : « Quel peut être mon père ? »

Enfin, Richard a accepté les propositions du roi ; il faut qu’il se débarrasse de sa femme à quelque prix que ce soit, fût-ce par un crime.

Voilà à peu près où en était l’ouvrage à notre première causerie avec Goubaux.

De mon côté, je tenais ma parole : j’apportais le prologue entièrement exécuté.

C’était bien comme je l’avais fait que l’avait rêvé Goubaux. Je n’avais donc qu’à prendre courage, et continuer.

Pendant que Goubaux racontait, mon esprit s’était accroché à tous les fils tendus par lui, et, comme un actif tisserand, en moins d’une heure, j’avais presque entièrement tracé mon canevas.

Je lui fis part de mon travail d’esprit, tout informe qu’il était encore. La scène de divorce entre Richard et sa femme me plaisait surtout énormément. Une scène de Schiller m’était revenue à la mémoire, scène d’une beauté et d’une vigueur merveilleuses. Cette scène centre Philippe II et Élisabeth, je voyais moyen de l’appliquer à Richard et à Jenny. Quand nous en serons là, je mettrai les deux scènes en regard.

Tout ce travail préparatoire arrêté entre nous ; — en outre, une chose convenue, à savoir, que Goubaux et Beudin écriraient ensemble la scène des élections, pour laquelle je manquais de détails, tandis que Beudin avait assisté, à Londres, à des scènes de ce genre, Goubaux me regarda.

— Une seule chose m’inquiète maintenant, dit-il.

— Une seule ?