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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Dorval. Ils me promirent de jouer pour moi, et j’allai prendre ma place dans la salle.

Ce que j’avais prévu était ce qui nuisait à la pièce ; à part Bocage, qui jouait Didier, Dorval, Marion, et Chéri, Saverny, toute la pièce était abandonnée. Il en résultait que cette poésie merveilleuse s’éteignait comme, sous une haleine, s’éteint le brillant d’un miroir.

Je sortis du théâtre le cœur navré.


CCX


Une collaboration.

J’eus besoin de laisser passer quelques jours pour avoir le courage d’en revenir à mes vers, après avoir entendu et relu ceux d’Hugo.

J’étais tout disposé à faire pour Charles VII ce que Harel m’avait invité à faire pour Christine : à le remettre en prose.

Enfin, je réunis quelques amis à la maison, et je leur lus mon nouveau drame.

Mais, soit que je le lusse mal, soit qu’ils fussent venus avec des préventions, la Lecture ne fit pas même sur eux l’effet que j’en attendais.

Ce non-succès me découragea. Je devais lire, le surlendemain, à Harel, qui m’avait déjà envoyé ma prime de mille francs, et à Georges, à laquelle était destiné le rôle de Bérengère. J’écrivis à Harel de ne pas compter sur la pièce, et je lui renvoyai ses mille francs. J’étais décidé à ne pas faire jouer mon drame.

Harel ne crut ni à mon abnégation ni à mon honnêteté. Il accourut tout effaré chez moi. Je lui exposai mes raisons, dépréciant mon œuvre avec autant de soin qu’un autre en eût mis à exalter la sienne. Mais, à tout ce que je lui disais, Harel prenait une prise, et répétait :

— Ce n’est pas cela !… ce n’est pas cela !… ce n’est pas cela !

— Mais qu’est-ce donc, alors ? m’écriai-je.